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LETTRE VIII.

toute manière de les renverser dans l’abîme. Bien plus, des hommes se joignaient à ces serpents pour assaillir en même temps le couple infortuné, lui imprimer des secousses, le pousser, le frapper de coups. Enfin le moment vint où ces deux hommes semblaient près de périr, moitié de plein gré, moitié par force, contraints pour ainsi dire et tout à la fois séduits par le mal. Cependant Carpus triomphe d’aise en contemplant ce spectacle et en oubliant celui du ciel ; il s’irrite et s’indigne de ce que leur ruine ne s’accomplissait pas assez vite ; il essaie plusieurs fois, mais en vain, de la consommer lui-même ; il redouble de colère ; il les maudit. Mais son regard se décide enfin à interroger encore les cieux. Le prodige y continuait : seulement Jésus était ému de compassion ; il se levait de son trône, il descendait vers les malheureux, leur tendait une main secourable. Et les anges leur venaient aussi en aide et les soutenaient chacun de leur côté. Et le Seigneur disait à Carpus : « Lève la main et frappe-moi désormais ; car je suis prêt à mourir encore une fois pour le salut des hommes, et cela me serait doux si l’on pouvait me crucifier sans crime. Vois donc si tu aimes mieux être précipité dans ce gouffre avec les serpents, que d’habiter avec Dieu et avec les anges si bons et si amis de l’humanité. »

Voilà le récit que m’a fait Carpus, et j’y crois volontiers.