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CHAPITRE IV.


toutes choses réelles ; parce que, transfuges volontaires, ils sont entièrement dépouillés des biens qu’ils possédaient, on les nomme mauvais ; et ils sont vraiment mauvais à raison de ce qui leur manque, et ils désirent le mal quand ils désirent ce qui n’a pas de réalité.

XXIV. Au moins faut-il avouer, me dira-t-on, qu’il y a des âmes mauvaises. Si l’on entend par là qu’elles s’allient aux méchants avec compassion, et pour les sauver, ce n’est point un mal, mais un bien : doux écoulement du bien suprême qui rend bon ce qui est mauvais. Si au contraire l’on veut marquer que les âmes se dépravent, je demanderai comment cela se fait, sinon parce qu’elles cessent d’aimer et de faire le bien, et que faibles et vaincues, elles faillissent à leur destination. Ainsi nommons-nous l’air qui nous enveloppe ténébreux, quand la lumière ne lui est pas présente ; mais la lumière reste ce qu’elle est, capable de faire resplendir les ténèbres. Donc le mal ne subsiste ni chez les démons, ni en nous, comme réalité, mais comme privation des biens que nous devrions avoir.

XXV. Le mal n’existe pas non plus dans les brutes. Ôtez-leur en effet la fureur, et la convoitise, et ces qualités qu’on nomme mauvaises, et qui ne sont réellement pas telles de leur nature, ils deviennent essentiellement d’autres êtres. Le lion n’est plus un lion dès que vous le dépouillez de sa force et de sa fureur ; et si le chien caresse indistinctement tous ceux qui passent, il cesse de remplir sa fonction qui est de faire la garde, d’accueillir les gens de la maison, et d’écarter les étrangers. Ainsi se maintenir dans sa propre nature, n’est pas un mal ; mais c’est corrompre sa nature, que d’affaiblir et d’abandonner