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DES NOMS DIVINS.


bilité ne saurait appartenir qu’au bien. Si donc ils ne furent pas toujours mauvais, ils ne le sont point par le fait de leur origine, mais par la dégradation qui les a frappés. Au reste, ils ne sont pas dépouillés de tout bien, puisqu’ils existent, vivent et comprennent, et qu’ils sont agités par quelques désirs ; seulement on les nomme mauvais, parce qu’ils ne sauraient plus agir selon leur destination primitive. Ainsi pour eux, le mal c’est la déviation, et la transgression de l’ordre établi ; c’est l’inanité de leurs efforts, l’imperfection et l’impuissance ; c’est enfin l’affaiblissement, l’abandon et la ruine de cette force qui les maintenait dans le bien.

Enfin qu’y a-t-il de mauvais dans les démons ? une fureur aveugle, une convoitise brutale, une imagination sans frein. Oui, si l’on veut ; mais ces choses ne sont mauvaises, ni absolument, ni dans tous les cas, ni en elles-mêmes. Car, pour d’autres êtres, ce n’est pas la présence, mais plutôt l’absence de ces mêmes passions qui détermine une altération et un mal ; au contraire ils existent et se trouvent protégés par elles, précisément parce qu’ils en sont affectés. Donc la nature des démons n’est pas mauvaise en ce qu’elle se conforme à ses lois constitutives, mais en ce qu’elle ne s’y conforme pas. Le bien dont ils étaient ornés n’a pas subi de mutation ; ce sont eux qui déchurent de leur glorieuse destinée. Et nous ne disons pas que les grâces qu’ils reçurent comme anges aient été détruites : non, elles subsistent dans leur intégrité et dans leur richesse ; mais ils n’en ont pas conscience, parce qu’ils se sont pour jamais privés de la faculté de voir le bien. Ainsi parce qu’ils existent, ils procèdent du bien, et sont bons, et désirent le beau et le bon, c’est-à-dire, l’être, la vie et l’intelligence,