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DES NOMS DIVINS.


que chose de plus étranger au bien que le non-être, quelque chose qui n’arrive pas même à la hauteur du non-être. Mais, dira-t-on, d’où procède donc le mal ? Car, s’il n’existe pas, la vertu et le vice sont chose identique, et dans la généralité et dans les espèces ; ou du moins, ce qui combat la vertu cessera d’être un mal. Et pourtant la retenue et la dissolution, la justice et l’injustice sont contraires ; et je ne veux pas seulement dire qu’en fait un homme juste diffère d’un homme injuste, et celui qui est modéré, de celui qui ne l’est pas ; mais antérieurement à la manifestation de ces actes opposés et dans l’âme même des sujets, il y a antipathie entre la vertu et le vice, entre la raison et la passion. Alors il faut nécessairement accorder que le mal ne se confond pas avec le bien, car le bien n’est point son propre ennemi ; mais résultat d’un seul et même principe, effet d’une seule et même cause, il s’harmonise, s’allie et se complaît avec lui-même : aussi un moindre bien ne s’oppose point à un plus grand bien, comme un moindre chaud ou un moindre froid ne s’oppose point à une chaleur ou à une froidure plus intense. Donc le mal se trouve dans les êtres, il existe réellement, il est en hostilité positive avec le bien ; et, quoiqu’il soit une corruption de l’être, il n’est pas exclu pour cela du rang des existences ; au contraire, il est quelque chose et principe générateur de quelque chose. Et ne voit-on pas souvent que l’altération d’une substance est la production même d’une autre substance ? Ainsi le mal a sa place et sa valeur dans la création, et c’est à son efficacité que l’univers doit de n’être pas une chose imparfaite.

XX. À toutes ces difficultés la saine raison répond que le mal, en tant que mal , n’engendre ni ne pro-