Page:Darboy - Œuvres de saint Denys l’Aréopagite.djvu/389

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
385
CHAPITRE IV.


les supérieurs à des soins providentiels envers leurs subalternes, et excite ceux-ci à se tourner vers ceux-là pour en recevoir stabilité et force.

XIII. L’amour divin ravit hors d’eux-mêmes ceux qui en sont saisis, tellement qu’ils ne sont plus à eux, mais bien à l’objet aimé. Cela se voit dans les supérieurs, qui se dévouent sans réserve au gouvernement des inférieurs ; dans les égaux, qui s’ordonnent l’un par rapport à l’autre ; dans les moins nobles, qui s’abandonnent à la direction des plus élevés. De là vient que le grand Paul, enivré du saint amour, dans un transport extatique, s’écriait divinement : Je vis, ou plutôt ce n’est pas moi, c’est Jésus-Christ qui vit en moi[1] : tel qu’un véritable amant, hors de lui-même et perdu en Dieu, comme il est dit ailleurs[2], ne vivant plus de sa vie propre, mais de la vie souverainement chère du bien-aimé. J’oserai même dire, parce qu’il est vrai, que la beauté et la bonté éternelle, cause suprême de tout, dans l’excès de sa douce tendresse, sort d’elle-même par l’action de son universelle providence, et daigne bien se laisser vaincre aux charmes de la bonté, de la dilection et de l’amour : tellement que du haut de son excellence, et du fond de son secret, elle s’abaisse vers ses créatures, tout à la fois hors d’elle-même et en elle-même dans ce merveilleux mouvement. Aussi ceux qui sont versés dans la science sacrée nomment-ils Dieu jaloux, parce qu’il est plein d’amour pour tous les êtres, et qu’il excite en eux la dévorante ardeur des saints et amoureux désirs ; parce que réellement il se montre jaloux, ce qu’il désire méritant d’être éperdument aimé, et ce qu’il produit provoquant ses vives ten-

  1. Galat., 2, 20.
  2. II. Cor., 5, 13.