Page:Darboy - Œuvres de saint Denys l’Aréopagite.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
XXV
INTRODUCTION.


pensé d’obéir à son génie particulier, parce qu’il existait au temps des apôtres, ou qu’il voulait traiter des questions de théologie ? L’inspiration divine n’abolit pas le caractère des hommes qu’elle a touchés, et, sous le souffle d’en haut, ils forment un concert et ne rendent pas un même son. Isaïe élevé à la cour des rois n’écrit pas comme le pâtre Amos, ni le disciple du pharisien Gamaliel, comme le publicain Matthieu. À plus forte raison pourra-t-il se trouver des différences entre des contemporains qui ne suivent que l’impulsion de leur goût naturel : Bossuet ne parle pas comme Fénelon ; qu’y a-t-il d’étonnant que saint Denys ne parle pas comme Hermas ?

Ainsi, l’élévation, ou même, s’il y avait lieu d’employer ce mot, l’enflure du style de saint Denys n’autorise pas la conclusion exagérée que nos adversaires méditaient d’en tirer.

Au reste, il y a bien quelque étrange logique à dire qu’un livre ne remonte pas au temps des apôtres, parce que le style en est obscur et plein de magnificence. Les protestants trouvent-ils donc si faciles à lire les Épîtres de saint Paul aux Romains et aux Hébreux, si dénué de grandeur l’Évangile de saint Jean, si simple et si claire l’Apocalypse ? Cependant saint Pierre prononce que l’on ne comprend pas sans peine les écrits de son frère l’apôtre des nations[1] ; les cent vingt-cinq discours que saint Augustin nous a laissés ne semblent pas tout à fait inutiles à ceux qui veulent pénétrer les oracles de saint Jean ; et des hommes de foi et d’intelligence ont laborieusement commenté l’Apocalypse, sans se flatter d’en avoir bien atteint le sens exact. Mais aussi pourquoi ces catholiques n’avaient-ils pas confiance en l’esprit propre ?

Enfin des critiques ont voulu voir une trace de supposition dans les expressions παῖς, enfant, que saint Denys adresse à Timothée, son collègue dans le sacerdoce, et ὑπόστασις par laquelle il désigne la personnalité en Dieu.

  1. II Epist., 3, 16.