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XXIV
INTRODUCTION.

Loin donc qu’il y ait une preuve de supposition dans cette obscurité mystérieuse, on y doit voir au contraire une manifeste preuve de haute antiquité, la discipline du secret ayant existé dans l’Église dès le principe, et même les raisons de la pratiquer étant beaucoup plus fortes pour les premiers siècles que pour les temps postérieurs.

On ne peut non plus rien inférer contre nous de la magnificence du style qu’emploie saint Denys. Quand même son éloquence serait ornée avec ce luxe asiatique que lui reprochent les protestants Illyricus et Scultet, que s’ensuivrait-il ? qu’un auteur des temps apostoliques a manqué de goût : conclusion qui, dans l’espèce, est parfaitement insignifiante, et laisse intacte la question de l’authenticité. Mais reprenons. Le blâme d’Illyricus et de Scultet est il fondé ? Non pas précisément. C’est du moins ce qu’ont, pensé plusieurs hommes renommés dans l’empire des lettres : saint Grégoire de Nazianze dit que saint Denys écrivit de belles et sublimes pages[1]. Photius le nomme grand dans son style comme dans ses pensées[2]. Et si la délicatesse attique du protestantisme répugne au sentiment de littérateurs et de philologues que la renaissance n’a point nourris de la pureté de son lait, nous pouvons citer Casaubon[3], Pic de la Mirandole, et Marsile Ficin[4], qui louent les œuvres et admirent le style de saint Denys.

Ensuite de quelque épithète qu’on veuille honorer ou flétrir sa façon de s’exprimer, l’authenticité de ses livres ne s’y trouve aucunement intéressée. Un écrivain était-il dis-

  1. Cité par Lanssel, Disput. apolog. de sancto Dionys.
  2. Cité par Noël Alexandre, Hist. Eccles., sæculo I°.
  3. Fingit voces novas, et compositiones format inusitatas, mirificas ; et quæ uno verbo aut altero dici poterant, diffundit in plures voces admodùm sonoras et magnificas, atque congestis multis verbis obscurat sermonem. Cité par Lanssel, ubi suprà.
  4. Dionysius noster exultat passim, effundit ænigmata, concinit dithyrambos. Itaque quàm arduum est profundos ejus sensus intelligentiâ penetrare, tàm difficile miras verborum compositiones ac quasi characterem imitari, ac latinis præsertim verbis exprimere. (In Opera sancti Dionysii.)