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INTRODUCTION.

Dieu incarné. Cette union s’accomplit sous une double influence : l’action de Dieu et celle de l’homme, la grâce et notre liberté. De plus, cette union, comme toutes les autres, suppose qu’il n’y a entre les deux termes rien d’antipathique, ni de contradictoire, et qu’ils ont au contraire des analogies et des points de contact. Or, le péché a introduit dans notre être une modification profonde ; il a détruit les harmonieux rapports que nous soutenions primitivement avec Dieu, et leur a substitué la discorde. Il faut donc que cette hostilité, avec tout ce qui pourrait en déterminer la continuation, disparaisse, et que des éléments d’ordre et de paix la remplacent. D’où il suit que notre vie exige un travail de destruction d’abord, puis de réédification[1].

Le péché, et même les traces funestes que le péché a laissées en nous, font l’effet d’un voile placé devant les yeux de notre âme, et qui l’aveugle ; d’une rouille qui s’attache à l’or de notre nature, autrefois si éclatant et si beau, et maintenant obscurci comme un vil plomb ; d’une liqueur visqueuse qui appesantit les ailes de notre esprit, et l’empêche de s’élever vers les régions de la lumière. De là vient que nous sommes inclinés vers la terre, et déchus de la science et de l’amour de Dieu. C’est pourquoi l’homme doit détester le mal dont il fut atteint, guérir les blessures qu’il reçut en sa défaite, abolir les instincts mauvais qui se remuent en lui, à l’approche des créatures, et vivifier et rendre fortes les tendances pures et saintes qui sont comme ensevelies sous les débris de sa nature foudroyée. Or, il faut que ce miraculeux changement s’opère dans tout l’homme : et parce que, d’après la parole sainte, il y a trois sources de concupiscence, il y a aussi trois endroits par où notre purification s’accomplit. On oppose donc la chasteté et la tempérance à la concupiscence de la chair, la pauvreté, le mépris des

  1. Cf. D. Bernard., de Convers. ad Cler. ; Richard, à Sancto-Victore, de Exterm. mali, etc. ; S. Bonav., Diæta salutis.