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INTRODUCTION.

lastique. La division générale des questions qu’ils embrassent semble calquée sur les écrits de notre Aréopagite ; comme lui, et à son imitation, ils traitent de Dieu, de la création, des moyens de réparation accordés à l’humanité déchue et de la vie future. Les œuvres du grand évêque d’Hippone purent bien accréditer ce plan d’études théologiques ; néanmoins ils ne l’avaient pas inspiré. Car depuis longtemps les clercs des Gaules étaient versés dans la lecture des anciens Pères, et en particulier de saint Augustin ; mais on ne voit pas qu’aucun d’eux ait rédigé en corps de doctrine systématique les vérités de la religion, peut-être parce que les hérésies, les guerres, les oscillations d’une société qui se dissout pour se reconstituer sur une nouvelle base, n’avaient pas permis aux intelligences de prendre une direction philosophique. Sur le champ de bataille, le soldat pratique la bravoure, il n’écrit pas des théories. Mais lorsque le souffle de Charlemagne, en passant sur l’Europe, eut fécondé ce chaos, la philosophie avec les belles-lettres et les arts vint saluer le grand empereur, qui les revêtit de son manteau. Les hôtes illustres trouvèrent aussi un asile dans les évêchés et les abbayes[1] ; et c’est dans ce commerce mutuel que les meilleurs esprits se familiarisèrent avec les langues anciennes, se préparèrent à étudier les modèles dans les trésors même où leur pensée était fixée comme sur l’airain, et contractèrent ces habitudes de synthèse et d’analyse, qui augmentent la sagacité, assurent le jugement, et multiplient les forces intellectuelles.

Tel était l’Occident, lorsque les écrits de l’Aréopagite y arrivèrent. Nous avons déjà vu comment Scot Érigène, en les traduisant, s’était intimement pénétré de sa doctrine, et l’avait reproduite dans le livre de la Division de la Nature. Génie moins fougueux, mais aussi indépendant et plus ferme qu’Érigène, saint Anselme, le grand méta-

  1. Concil. Gallic., t. I ; Capitul. Caroli Magni, 68, 72 ; Baronius, ad ann. 787 et 804.