Page:Darboy - Œuvres de saint Denys l’Aréopagite.djvu/120

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
CXVI
INTRODUCTION.

nous connaissons, qu’il semble inconvenant de lui appliquer les noms des choses créées. Ainsi l’on dira sans erreur que Dieu n’est ni connu ni compris ; qu’il n’a ni figure, ni forme ; qu’il n’est ni substance, ni vie, ni lumière, ni sentiment, ni sagesse, ni bonté. Car les mots, en tant qu’expressions de nos concepts subjectivement considérés, ne représentent que des objets limités et circonscrits, et par suite ils vont mal à la réalité infinie. C’est pourquoi la négation appliquée à Dieu n’est pas repoussante, comme on serait tenté de le croire au premier coup d’œil, et d’après les règles ordinaires du langage ; car ici elle n’implique pas le néant, et ne désigne pas la privation, mais elle exclut toute borne, et se comprend dans un sens transcendental.

De ces principes résultent plusieurs conséquences. D’abord les affirmations et les négations précitées ne sont pas contradictoires ; elles frappent, il est vrai, le même sujet, mais non pas sous le même rapport ; elles peuvent donc être employées au sens qu’on vient de dire. Ensuite les négations offrent une plus sublime idée que les affirmations ; car celles-ci posent des limites que celles-là font disparaître, et le philosophe catholique s’élève mieux à la pureté de l’Être divin par abstraction totale, que par positive conception. Enfin, ni les négations ne sont impies, ni les affirmations panthéistiques : car les premières signifient simplement que nos concepts, si on les regarde comme subjectifs, ou bien encore comme représentant qui se trouve dans les créatures, sont inexacts, quand on les applique au Créateur, au point qu’il est permis de s’exprimer ainsi : Dieu n’est pas bon, c’est-à-dire, Dieu n’a pas la bonté telle que nous la concevons, ou telle que la possèdent les êtres contingents. Les secondes au contraire protestent que nos concepts, si on les considère objectivement, et dans la réalité qu’ils représentent, sont d’une parfaite et transcendante vérité, au point qu’on pourrait s’exprimer de la sorte : Dieu est, et Dieu est seul, et Dieu est tout, c’est-à-dire, les choses finies ne possé-