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VII
INTRODUCTION.

ne se composait que d’hommes versés dans la science des lois et de la religion, et capables d’apprécier les différents délits contre les citoyens, la patrie et les dieux[1]. C’est là que Socrate plaida la cause de la philosophie[2] ; c’est là que fut amené à son tour saint Paul, prédicateur d’une philosophie nouvelle[3]. À la vérité, on pourrait dire que l’Aréopage, en cette double circonstance, n’a pas fait honneur à ses lumières ; mais il n’en serait pas moins évident que les doctrines philosophiques devaient comparaître devant ce sénat pour y être discutées et jugées. Au reste, cette objection, si c’en est une, ne nous atteindrait pas, puisque Denys, subjugué par la puissante parole de l’Apôtre, prouva la justesse de son sens philosophique, aussi bien que sa correspondance à la grâce. De plus, au premier siècle de l’ère chrétienne, connue du temps de Cicéron[4], et comme plus tard du temps de saint Basile et de saint Grégoire[5], Athènes était le sanctuaire de l’éloquence et de la philosophie.

Tout le monde sait la passion du peuple athénien pour le beau langage, et que ces Grecs dégénérés, qui trouvaient trop pesante l’épée des vainqueurs de Marathon et de Salamine, n’avaient plus guère d’autre occupation que de dire et d’entendre quelque chose de neuf[6]. Or, conçoit-on que, seul, l’athénien Denys ne se soit pas laissé emporter par le tourbillon de la curiosité générale ? Conçoit-on que les nombreux auditeurs qui tour à tour inondaient le Portique, le Lycée, l’Académie, ne l’aient jamais entraîné dans leurs flots ? Quand Rome et l’Asie abordaient au Pyrée, en demandant le chemin des écoles, Denys, personnage distingué par ses richesses, sa naissance et les qualités de son esprit[7], ne céda point à la tentation

  1. Valer. Max., lib. II, cap. 6 ; Demosth. advers. Aristoc. ; Cicero, lib. I, ad Attic. Epist. II ; Isocrat., orat. areopagiticâ ; Lucian., in Anachars. seu de gymnasiis.
  2. Plato, in Apologiâ Socratis.
  3. Act. Apost., cap. 17, 19.
  4. De Orat., lib. I, no 4.
  5. Greg. Naz., funeb. orat. in Basil., no 15, seqq.
  6. Act. Apost., cap. 17, 21.
  7. Menæa Græc., ad 3 octob. ; Vita Dionyi. ; Niceph., lib. II.