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Il vit[1] là où meurt toute peine,
Et il s’établit dans tous les esprits tendres,
Et il vient charmer les rêves de ceux
Dont il a pris les cœurs. Voyant
Que la mort demandait votre Dame,
Et la craignant pour elle, il la nourrit de ce cœur.
Quand il te sembla qu’il s’en allait en gémissant,
Ce fut un doux sommeil qui s’achevait,
Car le réveil te gagnait.

L’interprétation de ce premier sonnet de Dante a été l’objet d’une infinité de controverses et d’interprétations. Que signifie ce contraste entre la joie que témoignait l’Amour en arrivant, et son chagrin quand il partit ?

Il faut entendre d’abord que le rôle assigné à l’Amour par le Poète, dans les circonstances où il simule son intervention, n’est autre chose que la traduction de ce qui se passait dans son esprit.

La joie vient ici de l’espérance ou de la révélation que son amour sera partagé. Le chagrin vient de la crainte ou du pressentiment de l’issue funeste de cette passion. Cette issue sera-t-elle la mort de Béatrice ou une séparation fatale ? Avait-il, derrière les illusions dont ne se départ

  1. Ce seigneur c’est-à-dire l’Amour.