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je fis deux stances d’une canzone, l’une pour lui-même, l’autre pour moi, afin qu’elles parussent faites pour une personne donnée à ceux qui n’y regarderaient pas de près. Mais, pour qui y regardera attentivement, il paraîtra bien qu’il y a deux personnes qui parlent : l’une ne donne pas à cette femme le nom de sa Dame, tandis que l’autre le fait ouvertement. Je lui donnai cette canzone et ce sonnet en lui disant que c’était pour lui que je l’avais fait.

Toutes les fois, hélas, que me revient[1]
La pensée que je ne dois jamais revoir
La femme pour qui je souffre tant,
Une telle douleur vient s’amasser dans mon cœur
Que je dis : Mon âme,
Pourquoi ne t’en vas-tu pas ?
Car les tourmens que tu auras à subir
Dans ce monde qui t’est déjà si odieux
Me pénètrent d’une grande frayeur.
Aussi, j’appelle la mort
Comme un doux et suave repos.
Je dis : Viens à moi, avec tant d’amour
Que je suis jaloux de ceux qui meurent.
Et dans mes soupirs se recueille
Une voix désolée
Qui va toujours demandant la mort.

  1. Quantunque volte, lasso ! mi rimembra