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avec les paroles, alors je me retournai, et je fus frappé de la vertu des yeux de Béatrix, qui réfléchissaient si bien chaque objet, quand on les considérait attentivement.

J’aperçus un point qui jetait une si vive lumière, que la vue éblouie cédait à son tranchant aigu. La plus petite étoile placée près de ce point comme une étoile est près d’une autre étoile, paraîtrait une lune. Autour, à la même distance où est cette couronne de vapeurs qui environnent quelquefois le soleil, un cercle de feu tournait si rapidement, qu’il aurait surpassé en vitesse le ciel le plus prompt à se mouvoir.

Ce premier cercle était environné d’un second, celui-ci d’un troisième, celui-là d’un quatrième, cet autre d’un cinquième, et ce dernier d’un sixième cercle. Suivait un septième cercle, que l’arc messager de Junon ne pourrait contenir.

Il en était ainsi d’un huitième et d’un neuvième, qui se mouvaient moins vite, en raison de la distance où ils étaient du point de l’unité. Tous ces cercles brillaient aussi d’un éclat plus ou moins sincère, suivant qu’ils étaient plus voisins et plus éloignés du point qui en formait le centre.

Béatrix, qui me voyait tourmenté d’une vive curiosité, me dit : « De ce point dépendent le ciel et toute la nature. Vois ce cercle, qui en est le plus près, et apprends que son mouvement a cette rapidité, à cause de l’amour ineffable qui l’anime. »

Et moi à elle : « Si notre monde présentait l’ordre dans lequel je vois ces différents mouvements, j’aurais été pleinement persuadé ; mais dans le monde sensible, les sphères qui s’éloignent le plus du centre sont d’autant plus divines. Daignez satisfaire ma curiosité, dans ce temple admirable des anges, qui n’a pour confins que lumière et amour. Je voudrais savoir comment cette différence existe entre la copie et le modèle ; j’en cherche en vain la raison. »

Il n’est pas étonnant, dit Béatrix, que tes doigts ne puissent délier un pareil nœud. Il est devenu d’autant plus solide, qu’on n’a pas essayé de le dénouer. Si tu persistes à connaître la raison de ce que tu ignores, recueille toute la subtilité de ton esprit. Les cercles du monde sensible sont grands ou petits, en raison du plus ou moins de vertu qu’ils renferment. La chose la meilleure communique un plus grand bien, et le plus grand corps, en tant qu’il est parfait, exerce l’influence la plus complète. Donc, celui qui entraîne avec lui tous les autres cieux, correspond au cercle qui a le plus d’amour et d’intelligence.