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Tel qu’une lueur subite, dans les soirées pures et sereines, parcourt les airs, attire nos regards qui ne sentaient pas d’effroi, semble une étoile qui change de place, quoique nous voyions ensuite qu’il ne s’en est perdu aucune vers le point où nous avons remarqué ce météore, et disparaît après une courte durée ; tel courut tout à coup, de l’extrémité droite jusqu’au pied de la croix, un astre de cette constellation : le Brillant, sans s’écarter de son ruban, franchit toute cette ligne de lumière, et paraissait un corps de feu dans un vase d’albâtre.

Ainsi l’ombre du pieux Anchise se fit voir à son fils dans l’Élysée, si nous ajoutons foi au plus grand de nos poètes.

L’esprit m’adressa ces paroles : « Ô mon sang, ô grâce surabondante de Dieu ! à qui aura-t-on jamais, comme à toi, ouvert deux fois la porte du ciel ? »

J’écoutai cet esprit avec attention ; ensuite, plein d’étonnement, je regardai Béatrix : ses yeux brillaient d’un sourire si doux, que je crus qu’avec les miens, je touchais le fond de ma grâce et de mon Paradis.

L’esprit que je voyais et que j’entendais avec tant de plaisir, ajouta des paroles que je ne compris pas, tant elles étaient sublimes. Ce n’était pas par choix qu’il se cachaît ainsi à moi, c’était par nécessité. L’entendement d’un mortel ne pouvait s’élever sur-le-champ jusqu’à saisir de si hautes conceptions.

Cependant quand l’arc de sa divine ardeur eut lancé le trait, et que ses paroles descendirent au point où pouvait arriver notre intelligence, ses premiers mots furent ceux-ci : « Sois béni, ô toi, qui en trois personnes ne formes qu’une seule essence, et qui combles de tant de faveurs mon heureuse famille ! »

Il continua ainsi : « Mon fils, grâce à celle qui t’a donné des ailes pour le vol sublime, tu as mis fin, dans cette sphère où je te parle, à l’agréable et long jeûne que j’ai commencé en lisant dans l’immense volume où l’encre et l’écriture sont immuables.

« Tu as raison de croire que je dois à Dieu le don de deviner ta pensée, comme il est certain que cinq et six proviennent de l’unité. Mais tu ne me demandes pas à qui tu parles, et pourquoi dans cette foule d’esprits joyeux, je suis celui qui te fait l’accueil le plus gracieux.

« Oui, sans doute, tous les esprits de ces sphères, à quelque degré de gloire qu’ils aient été destinés, lisent l’avenir dans ce miroir, où ta pensée s’offre avant que tu la connaisses toi-même. Cependant, afin de mieux