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l’existence. Or, la matière et les causes immédiates qui la produisent ne sont pas partout les mêmes, et participent plus ou moins à la splendeur de l’idée suprême.

« De là il arrive que la même espèce d’arbres porte des fruits bons et des fruits mauvais, et que vous naissez avec des inclinations différentes.

« Si la matière était bien disposée à recevoir les influences, si le ciel était toujours dans sa force la plus efficace, ces influences seraient toujours heureusement imprimées ; mais la nature donne constamment une puissance affaiblie, semblable à un artiste qui sait bien sa profession, mais dont la main tremble.

« Si, au contraire, l’ardente charité dirige la sagesse de la première vertu vers l’être qui doit être créé, cet être acquiert alors toute sa perfection. C’est ainsi que déjà une fois la terre parut digne de toute l’intelligence que peut espérer l’être animal ; c’est ainsi que la Vierge conçut sans tache.

« J’approuve donc ton opinion. La nature humaine n’a été et ne sera jamais ce qu’elle a été dans ces deux personnes. Si je n’en disais pas davantage, tu t’écrierais : Comment donc cet autre fut-il sans égal ?

« Mais pour bien comprendre ce qui est obscur, pense à ce qu’il était, pense au motif qui le détermina, lorsqu’on lui dit : Demande ce que tu désires. Tu vois clairement qu’il fut roi, qu’il demanda la sagesse afin de bien gouverner. Il ne chercha pas à savoir quel était le nombre des substances qui faisaient mouvoir le ciel ; si le nécessaire et le contingent sont une conclusion nécessaire ; si le premier mouvement est, ou n’est pas ; si d’un demi-cercle on peut faire un triangle qui n’ait pas d’angle droit.

« Si tu retiens ce que j’ai dit, et ce que j’ai ajouté, la force de mon argument vient frapper sur cette royale prudence, qui se plut à n’avoir pas d’égale.

« Porte ton attention sur ces mots : Il ne s’en est pas élevé ; tu verras que mon sentiment ne regarde que les rois : il y en a un grand nombre, mais les bons sont rares. Reçois mon explication avec cette distinction, et tu pourras conserver ton opinion sur notre premier père, et sur l’objet de notre tendre amour.

« Que cette réponse alourdisse désormais tes pieds, afin que, comme un homme fatigué, tu ne fasses que des mouvements lents devant le oui et le non que tu ne vois pas.

« Il est bien bas, même parmi les insensés, celui qui en tout affirme ou