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tement de cette divine bonté n’a plus de fin, et son impression, une fois marquée, ne peut plus s’altérer.

« Tout ce que cette bonté produit immédiatement est libre, et n’est pas soumis aux lois qui règlent les choses secondaires. Plus un être est conforme à Dieu, plus il lui plaît.

« L’ardeur sainte de la charité qui répand ses rayons sur toutes choses est plus vive dans les objets qui lui sont le plus semblables.

« L’humaine créature participe à ces avantages ; mais si un de ses avantages lui manque, elle déchoit nécessairement de sa noblesse : il n’y a que le péché seul qui lui ôte sa liberté et l’empêche d’être semblable à son souverain bien, parce qu’alors elle ne se blanchit que peu de son éclat.

« Elle ne retourne pas à sa dignité première, si, par de justes peines, elle ne cicatrise les blessures qu’a causées le faux plaisir.

« Votre nature, quand elle pécha tout entière, perdit ses dignités et le Paradis, et elle ne pouvait les recouvrer, si tu y fais bien attention, qu’en passant par un de ces deux gués. Il fallait que Dieu, dans sa courtoisie, remit la faute, ou que l’homme donnât une satisfaction personnelle pour sa folie.

« Maintenant fixe les yeux, du moins autant qu’il te sera possible en suivant mes paroles, sur les profondeurs du conseil éternel.

« L’homme, dans sa situation, ne pouvait jamais donner de satisfaction, parce qu’il ne pouvait pas faire par son humble obéissance autant qu’il avait fait par son indocilité.

« Cette raison suffit pour te prouver que, par lui-même, il ne pouvait donner cette satisfaction : il fallait donc que Dieu, pour ramener l’homme à la vie éternelle, employât ses propres voies, ou l’une, ou les deux.

« Tu sais qu’une action est d’autant plus agréable, qu’elle annonce plus la bienfaisance du cœur qui l’a dictée ; aussi la divine bonté qui s’imprime en toutes les choses créées, se plut à employer tous ses moyens, pour vous relever au ciel.

« Il n’y a jamais eu, et il n’y aura jamais, depuis le premier des jours jusqu’à la dernière des nuits, de la part de Dieu et en faveur de l’homme, aucune manière de procéder si haute et si magnifique.

« Dieu ne fut-il pas plus grand de se donner lui-même, pour permettre à l’homme de se relever, que s’il avait pardonné volontairement ? Tous les autres moyens étaient insuffisants pour la justice, si le fils de Dieu n’eût été humilié jusqu’à l’incarnation.