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Nous nous avançâmes encore peu de temps, et la Vierge se tourna tout à fait vers moi et me dit : « Frère, regarde et écoute. » Une lueur subite traversa la forêt dans toutes ses parties, et je crus que c’était un éclair ; mais comme un éclair s’évanouit aussitôt qu’il a paru, et que cette splendeur continuait de briller, je disais en moi-même : « Quel est ce spectacle ? » Une mélodie douce récréait l’air lumineux : un juste zèle me fit alors blâmer la hardiesse d’Ève. Là où le ciel et la terre obéissaient à Dieu, cette femme seule, qui venait à peine d’être formée, ne put souffrir aucun voile : si elle s’était soumise pieusement à son devoir, j’aurais senti plus tôt et plus longtemps les ineffables voluptés de ce séjour.

Tandis que je m’avançais, tout interdit, parmi tant de prémices du plaisir éternel, et que j’avais le désir de goûter des joies nouvelles, tout l’air me parut s’enflammer devant moi sous la verdeur des rameaux, et je compris que le doux son que j’avais entendu était un chant mélodieux. Ô Vierges saintes ! si jamais, pour obtenir vos faveurs, j’ai supporté la faim, le froid et les veilles, une nécessité veut que j’implore ici votre secours. Il faut que la fontaine d’Hélicon m’abreuve de ses eaux inspiratrices, et qu’Uranie et ses sœurs accourent à mon aide, pour que je puisse dignement préparer et mettre en vers des choses fortes à penser.

La longue distance me fit croire ensuite que j’apercevais sept arbres d’or, mais quand je fus si près que cet objet sur lequel mes sens me trompaient fut pour moi facile à distinguer, la vertu qui prépare à la raison l’aliment de ses observations m’apprit que je voyais des candélabres, et que les voix chantaient Hosanna. Le bel ordre de ces candélabres leur donnait un éclat plus brillant que celui de la lune, lorsqu’elle paraît à minuit dans son plein, et par un temps calme.

Rempli d’admiration, je me retournai vers le bon Virgile, et je vis que ses yeux n’annonçaient pas moins d’étonnement que les miens. Je reportai mes regards sur les hauts candélabres qui s’avançaient avec plus de lenteur que les jeunes épouses. La Vierge me cria : « Pourquoi te complais-tu seulement à regarder ces vives lumières, et ne considères-tu pas ce qui les suit ? »

Alors je vis des personnages vêtus de blanc suivre ces candélabres comme leurs guides. Jamais la blancheur de leurs vêtements n’a pu être imitée sur la terre. L’eau réfléchissait ce doux éclat, et comme un miroir, si je la regardais, elle réfléchissait aussi à gauche les traits de ma personne.

Quand, de mon côté, je fus arrivé à un point où le fleuve seulement me