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CHANT DIX-SEPTIÈME

et gémira d’y avoir eu de la puissance. C’est dans ce lieu que cet ambitieux a mis pour pasteur véritable son propre fils, né d’un commerce illégitime, difforme de corps et encore plus difforme d’esprit. » Je ne sais pas si l’ombre continua de parler ou garda le silence : elle fut bientôt hors de notre vue ; mais j’entendis les paroles que je viens de retracer, et je m’étudiai à les retenir.

Celui qui ne m’avait jamais refusé une main secourable parla ainsi : « Tourne-toi ; écoute ces deux voix qui mordent la Paresse en racontant les tristes effets de ce vice. Elles disaient derrière la foule des âmes : « La nation pour laquelle l’Éternel entr’ouvrit la mer, s’éteignit avant que le Jourdain eût vu les héritiers que Dieu avait désignés. Ce peuple, qui ne commua pas de partager les périls du fils d’Anchise, se dévoua volontairement à une vie sans gloire. »

Quand ces ombres furent tellement éloignées de nous, qu’il ne fut plus permis de les apercevoir, une nouvelle pensée entra dans mon âme : cette pensée en fit naître une foule d’autres qui étaient différentes de la première, et je m’absorbai tellement dans ces réflexions vagues, que mes yeux se fermèrent, et que je changeai ces pensées en sommeil.