Page:Dante - La Divine Comédie (trad. Artaud de Montor).djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vis en foulant, incliné, ce sol rempli de leçons terribles. Ô fils d’Ève, enorgueillissez-vous, marchez avec une contenance altière ; ne baissez pas votre tête, vous verriez de trop près vos excès.

Nous avions déjà parcouru plus de chemin, et le soleil était plus avancé dans son cours que ne le pouvait concevoir l’imagination ainsi occupée, quand celui qui me précédait, continuellement attentif à ce qu’il fallait faire, me dit : « Lève les yeux, ces objets ne doivent plus retarder ta marche ; vois un ange qui s’apprête à venir vers nous : la sixième servante a terminé son office du jour. Que tes traits et tes actions offrent l’empreinte d’une tendre vénération ! Qu’il daigne nous envoyer plus haut ! Pense que ce jour-ci ne se retrouvera jamais. »

J’approuvais le conseil qui m’était donné de ne pas perdre de temps ; aussi compris-je facilement les admonitions de mon maître.

La céleste créature vêtue de blanc venait vers nous en scintillant comme l’étoile du matin ; elle ouvrit ses bras, étendit ses ailes, et dit : « Venez, il y a ici des degrés, et l’on monte facilement : peu d’élus sont appelés à m’entendre. Ô mortels destinés à voler vers le ciel, pourquoi le moindre vent vous fait-il tomber ? »

L’ange nous mena dans un point où la roche était coupée ; il me frappa le front de ses ailes, et me promit un heureux voyage.

De même que pour parvenir au mont où est placée une église qui domine cette ville si bien gouvernée, dans le voisinage de Rubaconte, la pente, à main droite, est rendue plus accessible par des escaliers construits dans un temps où l’on ne falsifiait pas les registres et les mesures publiques, de même ici la pente qui conduisait à l’autre cercle devenait plus douce ; seulement le chemin plus étroit serrait le voyageur à droite et à gauche. En marchant dans ce sentier, nous entendîmes des voix chanter : Heureux les pauvres d’esprit, avec un charme que l’expression ne peut atteindre.

Ah ! combien ces sentiers sont différents de ceux de l’Enfer ! Ici, l’on entre parmi les chants, et là parmi les cris lamentables. Nous franchissions ces escaliers sacrés, et il me semblait que je montais plus légèrement que je n’avais marché auparavant sur le terrain uni ; aussi je m’écriai : « Ô maître, de quel poids m’a-t-on délivré ! Il me semble qu’en marchant je n’éprouve aucune fatigue. »

Celui-ci répondit : « Un des P qui sont sur ton front est déjà effacé : quand les autres auront tout à fait disparu, tes pieds seront si légers, que