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CHANT NEUVIÈME

celui qui s’efforce le plus d’avancer dans cet âpre désert, ne peut faire que des pas rétrogrades ; et comme nous pardonnons à chacun le mal que nous avons souffert, et toi aussi, bienfaisant, pardonne, sans regarder ce que nous avons mérité. Ne permets pas que l’antique ennemi livre combat à notre vertu qui reste abattue au premier choc, mais délivre-nous des atteintes qui nous poussent au mal. Ô Seigneur chéri, nous ne faisons pas cette dernière prière pour nous-mêmes, qui n’en sentons pas le besoin, mais pour ceux qui sont demeurés derrière nous ! »

C’est ainsi que sollicitaient d’heureux augures pour elles et pour nous, ces ombres qui, destinées à se purifier des brouillards du monde, marchaient le long du premier cercle en le suivant inégalement, accablées sous un poids semblable à celui dont nous croyons quelquefois être accablés dans un songe. Si, sur la montagne, on prie si ardemment pour nous, que ne doivent pas dire et faire sur la terre ceux qui ont la volonté attachée à une bonne racine ? Il faut donc aider les ombres à laver promptement les taches qu’elles ont apportées du monde, afin que bientôt, plus légères et plus pures, elles puissent s’élever vers les globes étincelants.

Mon guide parla ainsi : « Que la justice et la piété vous soulagent bientôt, pour que vous puissiez agiter vos ailes selon votre ardent désir ! Montrez-nous par quelle voie on franchit plus tôt la montagne, et s’il y a plus d’un chemin, enseignez-nous le plus facile. Celui-ci que je guide sent, malgré son courage, ses pas alourdis par la chair d’Adam dont il est encore revêtu. » Nous ne sûmes pas laquelle des ombres répondit à celui que je suivais, mais nous entendîmes ces paroles : « Venez avec nous à main droite, et vous trouverez un chemin où peut s’engager une personne vivante. Si je n’étais pas empêché par cette pierre qui dompte mon front orgueilleux et me fait ainsi courber la tête, je tâcherais, pour exciter sa compassion en ma faveur, de savoir si je connais celui qui t’accompagne et que tu ne nommes pas. Je fus Italien ; un célèbre Toscan, Guillaume Aldobrandeschi, fut mon père. Je ne sais si jamais vous avez entendu ce nom : la noblesse de mon sang, les éclatantes actions de mes ancêtres me rendirent arrogant ; ne pensant plus à notre mère commune, je méprisai tellement tous les hommes, que je me vis arracher la vie, comme ne peuvent l’oublier les Siennois et les habitants de Campagnatico. Je suis Humbert ; l’orgueil n’a pas seulement causé ma ruine, il a entraîné dans le malheur tous mes parents. C’est donc à cause de mon orgueil que je porte ce fardeau, jusqu’à ce que j’aie satisfait à la justice de Dieu : je fais parmi les morts ce que