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La faute en eſt aux Dieux qui m’ont fait un magot.

Après le départ de M. de Voltaire pour Berlin, nous continuâmes à repréſenter quelques unes de ſes piéces. Le goût & les lumieres de Madame D. digne niéce du plus célébre des Oncles ſuppléoit à la privation des leçons de nôtre cher maître. Un jour que la reconnoiſſance & le devoir m’avoient conduit chez elle pour lui rendre mes reſpects elle me declara la piéce qu’on m’avoit jouée, & m’apprit que M. de Voltaire avoit lû ma mauvaiſe critique. Cette nouvelle me pénetra du chagrin le plus vif. Ma confuſion annonçoit mon repentir, je cherchois des excuſes que je ne pouvois trouver, mon embarras & ma douleur ſe peignirent ſi bien dans mes yeux, que Mad. D. en eut pitié, elle eut la bonté de demander pardon pour moi & l’obtint : je crus alors que M. de Voltaire ne rejetteroit pas le témoignage de mon repentir, j’eux l’honneur de lui écrire, ſçavez vous quelle fut ſa reponſe à ma lettre ? Un engagement de la part du Marquis de Montperny pour la Cour de Bayreuth avec les recommandations les plus flatteuſes & les plus capables d’y aſſurer mon bonheur.

Si vous connoiſſiez un peu mieux les ſentimens de la reconnoiſſance, je vous laiſſerois juger de l’étenduë de la mienne, mais vous m’avez appris qu’il faut vous faire connoître juſqu’où ce ſentiment peut & doit aller. Je