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elle pas une excellente critique de la bravoure mal employée ? Le Public trouve-t-il mauvais que ces deux amis ou plutôt ces deux Rivaux ſe rendent aux bonnes raiſons d’Arlequin & abandonnent le projet de ſe couper la gorge.

Les ſiffle-t-on quand ils diſent unaniment : Nous ſerions plus ſauvages qu’Arlequin ſi nous ne nous rendions à ſes reflexions ? En voilà ſans doute aſſés pour vous prouver qu’on peut attaquer la fauſſe bravoure ſur la ſcene ſans indiſpoſer le Public & ſans choquer les mœurs.

Permettez moi M. de n’être ni de l’avis de Diogene Laërce ni de celui de l’Abbé Dubos.

Ce n’eſt pas comme le penſe le premier, que des maux feints ſoient plus capables d’émouvoir, que des maux véritables.

Ce n’eſt pas comme le penſe le ſecond, Que le Poëte ne nous afflige qu’autant qu’il nous plait.

Le ſentiment de compaſſion que nous éprouvons eſt comme vous le penſez, un ſentiment involontaire excité dans nous par l’adreſſe de l’Auteur qui nous ote le pouvoir d’y réſiſter. Un habile Dramatique à force d’étudier la nature du cœur humain, en connoît tous les reſſorts ; il ſait les ajuſter, les réunir, & raſſembler leurs forces, pour en augmenter la puiſſance. Il eſt certain que nous ne ſeront pas toujours ſi ſenſiblement émus par la nature que par l’art, parce que la nature n’eſt pas accompagnée toujours de l’aſſemblage de ces ex-