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l’ambition de leurs voiſins, c’eſt à la valeur qui menace & fait trembler les Machiavels, qu’on doit le ſalut & la tranquillité des États : tout homme qui n’a pas cette qualité de l’ame, peut avec raiſon être mépriſé ; on ne mérite pas la part que l’on a dans les biens de la Patrie quand on n’a pas le courage de la deffendre.

Ce courage ne doit avoir lieu que vis-à-vis les ennemis du Prince, & dès qu’on l’employe contre un de ſes compatriotes on devient criminel envers l’État, puisqu’on s’expoſe à le priver d’un bras deſtiné pour ſa deffenſe. On doit ſe mocquer également des lâches & des Spadaſſins, les uns & les autres peuvent être joués avec ſuccès ſur la ſcene, & l’on y peut faire admirer un vaillant homme qui refuſe d’expoſer pour ſa cauſe perſonnelle, une vie néceſſaire à l’État, on l’applaudira au contraire de ſon mépris pour le préjugé. Il eſt dur de ſoupçonner le Public François comme vous le faites, de n’applaudir dans le Cid qu’au grand coup d’épée qu’il donne au Comte de Gormas.

Vous n’affectez apparemment cette opinion que pour faire croire que la bravoure gâte les mœurs de la nation, je ſais bien que ſi tous les hommes étoient bons & ſages, la valeur ſeroit la plus inutile de toutes les qualités : mais puisque l’ambition, l’injuſtice, l’oppreſſion, la cruauté l’on rendu ſi néceſſaire depuis Nimbroth juſqu’aujourd’hui & que pro-