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Quand j’aurai fait le brave & qu’un fer pour ma peine
M’aura d’un vilain coup transpercé la bedaine,
Que par la Ville ira le bruit de mon trepas,
Dites moi, mon honneur, en ſerez vous plus gras ?

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Puis qu’on tient à bon droit tout crime perſonel,
Que fait la nôtre honneur pour être criminel ?
Des actions d’autrui dois je porter le blâme ?

Ce ton comique vous révolteroit dans la bouche d’un ſage, auſſi n’eſt ce pas le ſtile que je propoſerois d’imiter ; mais l’emploi de ces mêmes argumens en ſtile plus grave contre les abus du point d’honneur mal entendu. Perſonne je vous jure ne ſeroit choqué de voir ſur la Scene un Spadaſſin inſolent puni tout autrement que par des voyes de fait, & pourvû que vôtre ſage prouvât que ce n’eſt point la lâcheté qui l’arrête mais la raiſon, que le mépris qu’il a pour un inſolent n’exclut pas chez lui la bravoure : je vous jure qu’un pareil perſonnage ſeroit goûté. Mettez dans une Tragédie ce brave Capitaine Grec en discusſion avec ce brutal qui picqué de n’avoir pas raiſon le menaçoit de le frapper, croyez vous qu’on ne l’applaudira pas quand avec un mépris héroïque, il lui dira : frapes mais écoutes.

Vous imaginez vous, m’allez vous dire, que ce point d’honneur pointilleux ſubſiſteroit avec moins de force, quand on auroit vû vôtre Comédie ou vôtre Tragédie & qu’un