Page:Dancourt - À Mr. J. J. Rousseau, 1759.djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’état d’un Caraïbe ou d’un Orang-Outang & qui ſe ſoucient beaucoup de courir plus vite qu’un Cheval, d’apercevoir un vaiſſeau en mer d’auſſi loin qu’on puiſſe le voir avec une lunette, ou de pouvoir ſe battre avec les Ours à forces égales.

Ils ſentent trop que ces avantages phyſiques ne les dédomageroient pas de la raiſon, mais ils ſont très perſuadés en même tems, que les Orang-Outangs & les Pongos, n’ont pas à beaucoup prés la connoiſſance de la loi naturelle comme Arlequin ſauvage. Arlequin eſt pour eux un modele à qui la nature les fait déſirer de reſſembler, & il n’eſt pas douteux qu’il ſeroit à ſouhaiter pour le bien de la ſociété politique que ſes Chefs auſſi bien que tous ſes membres euſſent toujours un pareil modele ſous les yeux. Le ſpectacle leur offre ce modele, il eſt donc très ſage de les exhorter à venir ſouvent l’y voir, pour leur faire contracter l’habitude de ces idées qu’ils n’admirent en lui que par ce que la nature leur a donné les diſpoſitions néceſſaires à les admirer. Au ſur — plus ce qu’Arlequin ſauvage dit des nations civiliſées n’eſt ni ſingulier ni nouveau, mais il eſt ſage & naturel ; ce ſont des idées exprimées très anciennement, vous les retrouverez dans les Livres Sacrés & dans ceux des Philoſophes : elles font préſentées d’une manière ſi non édifiante du moins plus agréable, & c’eſt par l’agrément que le ſpectacle unit à la mo-