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L. H. DANCOURT

Tels ſont les inconvéniens que vous voiez à la fuite du ſpectacle ; mais que le grand Sulli verroit à la ſuite d’un Bal public, il en verrait encore bien d’autres qu’il eſt bon de vous détailler. S’il voioit par éxemple un Seineur Commis préſider à vôtre Bal, quel abus, diroit il, fait on donc ici de la Magiſtrature, ne craint on point de la dégrader en la faiſant préſider à une eſpéce de débauche publique ? Elle ne peut aſſiſter dans un Bal que pour y contraindre le plaiſir ou pour y participer ; ſi c’eſt un bien que de danſer en public, & qu’une jeune perſonne mérite un prix pour avoir bien danſé ; il faut donc que tout le Sénat de Genêve apprenne à danſer auſſi, qu’il ouvre le Bal lui même pour déterminer le Public à donner la préférence à ce genre d’amuſement.

Voir un grave Sénat faire en rond une danſe,
Et ſauter dans la ſalle ainſi tout en cadence,
Cela ſeroit bien beau, Monſieur.

Je n’outre point ici le ridicule, prenez y garde. Le Légiſlateur doit l’exemple de la pratique de ſes loix ; donc le Sénat de Genêve ne pourroit ſe dispenſer de danſer lui même, pour faire danſer les autres.

Il faudroit encore qu’il imaginât des danſes dont les mouvemens & les grâces ne fuſſent pas contraires à la modeſtie : car vous voulez qu’on danſe très modeſtement : or rien n’étoit moins conforme à la modeſtie que