Page:Dancourt - À Mr. J. J. Rousseau, 1759.djvu/216

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
206
L. H. DANCOURT

que vous aiez fait aucune demarche pour que ce trait de modeſtie & de désintéreſſement fut dérobé à la connoiſſance du Public. Ce désintéreſſement prétendu n’a trompé perſonne. Que conclure de ces deux exemples ? Que puisque vous & Diogênes êtes des Philoſophes, que tous les Philoſophes ſont des orgueilleux, des impertinens & des hipocrites ? Il le faut bien, en imitant vos conſéquences. La plupart des Hérétiques ont été des Religieux, des Pretres, des Théologiens, des Methaphiſiciens, donc tous les Religieux, les Theologiens & les Pretres ſont des Hérétiques, & vous êtes Methaphiſicien.

Ce fut un Moine qui fit l’Alcoran, ce fut un Miniſtre Calviniſte qui conduiſit ſon Roi ſur l’echaffaut & qui ſous le titre de Protecteur occupa le Trône de ſon Maître : donc tous les Moines ou les Miniſtres réformés ſont des Sergius ou des Cromwels. Quelques étourdis d’Écrivains oſent faire imprimer les dogmes du Deiſme, on renouveller les erreurs de Lucrece ; d’autres à l’abri de la rigueur de la Police par l’incognito qu’ils ont la prudence de garder, portent la corruption dans les mœurs par des écrits obſcênes, d’autres enfin politiques innocens font des Traités de gouvernement auſſi ſots qu’eux mêmes ; ils prêchent en cachette l’indépendance & la révolte : donc tous les Auteurs ſont des Lucrèce, des Vanini, des Allozia, des Machiavel.

Je ne ſuis pas aſſés imbécile ni aſſés injuſte pour adopter de pareilles conſéquences ; j’ai