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L. H. DANCOURT

autre caractere que le leur. Vous voulez ici faire craindre au Public qu’ils ne ſoient ce qu’ils repréſentent.

Quand un honnête homme avertit un autre honnête homme des moiens qu’un fripon doit emploier pour le tromper, doit on craindre que cet honnête Conſeiller ne devienne un fripon lui même, parce qu’inſtruit de tous les tons, de tous les détours, de toutes les grimaces que le fourbe qu’il accuſe, a coutume d’emploier pour tromper quelqu’un, il en fait un tableau frappant à ſon ami.

Que l’eſprit contempteur rend inconſéquent, injuſte & aveugle, car vous ne voudrez pas vous perſuader que ceux des Comédiens qui jouent les rôles de Polieucte, de Joad, de Mardochée, deviennent des Saints. Vous ne voudrez pas croire non plus que ceux qui jouent un Euphémon, un Licandre, un Ariſte, un Burrhus, un Alvarès, deviennent les gens du monde les plus vertueux : il faut pourtant convenir avec vous même ; & ſi l’emploi de chaque Comédien a tant d’influence ſur ſes mœurs ; ceux qui jouent les rôles de Saints, de Héros, & d’honnêtes gens doivent devenir des Saints, des Héros, d’honnêtes gens, comme ceux qui jouent des rôles de ſuborneurs & de fripons ſont ſelon vous, ſuborneurs & fripons. Mais vous M. qui tirez du métier des autres des inductions contre leur probité, voions un peu ſi celui que vous faites ne peut donner aucun doute de la vôtre : ſi l’inconduite de quelques Comédiens vous fait préſumer que tous leurs reſſemblent, vous m’autoriſez