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Je me nomme, & les lieux où j’ai paru, faites moi ſouffrir la honte d’un démenti ſi j’ai tort, informez vous, & je paſſe condamnation ſi vous n’êtes pas forcé d’avouer que je ſuis infiniment plus honnête homme que vous. Oui M. & j’inſiſte, plus honnête homme que vous, ce n’eſt pas beaucoup dire ; vous verrez tout à l’heure. La plaiſante diſtinction que vous faites du talent & du métier de la célébre Oldfield, l’un ne ſuppoſe-t-il pas l’autre, & jouiroit on du talent, ſi l’Acteur n’en faiſoit pas ſon métier ? Les Anglois ont honnoré cette Actrice d’un tombeau parmi ceux des Rois, ils ont voulu encourager par là tous ceux qui font le même métier à tacher par leur talent de mériter le même honneur. Il n’y a point de profeſſion qu’il ne ſoit honteux, ridicule & préjudiable de mal exercer ; mais quand on l’embraſſe avec le talent qu’elle éxige, on l’honnore au lieu d’en être honnoré.

Quel cas fait on d’un Médecin, d’un Prédicateur, d’un Avocat, d’un Peintre, ou d’un Muſicien ignorant ? Ce n’eſt donc pas le métier qui honnore, mais le talent avec lequel on s’y diſtingue. Tout homme qui attend ſon honneur des titres dont il eſt décoré, s’il les poſſede ſans les mériter, n’eſt aux yeux des ſages, qu’un Baudet chargé de Reliques : je ſuis fort étonné qu’un Philoſophe, au moins ſoit diſant, éxige de la profeſſion des Comédiens, qu’elle les honnore par elle même, ſans aucun mérite de leur part, tandis que les pro-