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L. H. DANCOURT

ruinât, s’il n’établiſſoit l’heure du ſpectacle ſur celle où les occupations néceſſaires des citoiens ſont terminées. Un Officier ne manquera pas la Parade, un Marchand ne quittera ni le Port ni la Bourſe, un Détailleur ſa Boutique, un Avocat le Palais ou ſon Cabinet, un Procureur ſon Étude, un Financier ſon Bureau pour venir au ſpectacle dans un tems où leur devoir & leurs intérêts éxigent leur préſence. Il faudroit donc qu’un Entrepreveneur de ſpectacle eut perdu le ſens s’il ne s’aſſujetiſſoit pas à l’heure où les occupations des principaux citoiens ſont terminées. Il y a telle ville du Royaume où la Comédie n’a jamais été jouée qu’à ſept ou huit heures du ſoir. Les Comédiens ſeroient les premiers à éprouver que le Théatre eſt préjudiciable, quand pour en faire jouir des gens ſages, on veut interrompre des occupations eſſentielles, auxquelles le plaiſir n’eſt pas capable de les faire renoncer.

Il ne faut pas beaucoup de plaiſirs aux gens épuiſés de fatigue pour qui le repos ſeul en eſt un très doux.

Auſſi n’eſt ce pas aux gens épuiſés de fatigue par des travaux corporels, qui pour gagner vingt ſous par jour, travaillent depuis cinq heures du matin, jusqu’à huit du ſoir, que les ſpectacles font déſtinés : mais à ceux dont le travail éxige plus de génie, d’eſprit, de goût, & d’induſtrie que de force, qui ne peuvent s’y livrer qu’autant que leur tête le leur permet, ſous peine d’avoir la Migraine ;