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d’une race maudite, pour y mourir de froid et de faim. Les persécuteurs, renseignés par des traîtres, ont mis à mort tous les chrétiens marquants, tous ceux qui par leur zèle, leur science, leur expérience ou leur fortune, auraient pu être un appui pour leurs frères. À la capitale et dans les grandes villes, on se dispense de la formalité de poursuites judiciaires ; ceux qui sont reconnus comme étant ou ayant été chrétiens sont traînés à la prison la plus voisine, et aussitôt étranglés. Par un raffinement de cruauté satanique, on cherche à les faire apostasier avant de les mettre à mort, car les païens n’ignorent pas le grand prix que les chrétiens attachent au martyre. Si le confesseur demeure ferme, on le tue sous les yeux des autres pour les frapper de terreur ; si, épuisé par les tortures, les membres brisés, il demande grâce et prononce un mot d’apostasie, on le fait sortir, comme pour le mettre immédiatement en liberté, et on le tue à la porte du tribunal. Dans certains endroits, on a mis de côté le sabre et la hache qui fonctionnaient trop lentement au gré des exécuteurs, et l’on emploie un nouvel instrument de mort. C’est une espèce de guillotine formée de deux poutres superposées ; la poutre supérieure en retombant sur l’autre écrase le cou à vingt ou vingt-cinq personnes à la fois. Ailleurs, on creuse des fosses larges et très-profondes où l’on jette les uns sur les autres des troupes de chrétiens tout vivants, puis on entasse sur eux de la terre, des pierres, etc., de sorte qu’ils sont du même coup tués et enterrés. Au mois de septembre 1868, on comptait déjà plus de deux mille victimes de la persécution, dont cinq cents à Séoul même. En 1870, le bruit public, en Corée, évaluait leur nombre à huit mille, sans compter tous ceux qui sont morts dans les montagnes de faim et de misère. Naturellement, il est impossible de contrôler ces chiffres, mais, quelque exagérés qu’on les suppose, ils montrent que le régent veut tenir sa parole, et, en moins de dix ans, anéantir tout vestige de christianisme.


Depuis la fin de l’année 1866, il n’y a plus de prêtres en Corée. Avec le glorieux martyre des neuf missionnaires et l’exil forcé des trois autres, se termine la seconde période de l’histoire de l’Église coréenne. Résumons-la en quelques mots.

Depuis l’érection de la Corée en vicariat apostolique, il y a eu dans cette mission : cinq évêques, dont trois martyrs ; seize missionnaires, dont neuf martyrs ; deux prêtres coréens, dont un martyr. Tous ces ouvriers de l’Évangile nous les avons vus à