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passâmes à l’île Boisée, vis-à-vis la petite ville de Seung-tsiong, et de là, par un coude très-accentué, nous entrâmes dans le détroit qui sépare l’île de Kang-hoa du continent. On jeta l’ancre près de l’île, vis-à-vis du village de Kak-kot-si. Là se terminait notre mission. Quelques officiers descendirent à terre, et furent émerveillés de l’aspect du pays. Une grande plaine très-bien cultivée et couverte de rizières, des villages nombreux, et, à une lieue au nord-ouest, les montagnes où se trouve la ville de Kang-hoa. On voyait de loin quelques forts assez bien situés, des canons, mais pas un soldat. La population effrayée s’était enfuie d’abord, mais quelques individus plus courageux revinrent, d’autres les suivirent, et quand on leva l’ancre, les habitants accoururent en foule sur le rivage pour voir ce navire singulier, qui, sans voiles et sans rames, remontait le courant très-rapide en ces parages.

« Le lendemain, nous rejoignîmes le Primauguet et le Tardif. Tous étaient enchantés des observations faites pendant le voyage, et surtout d’avoir acquis la certitude que le chenal était navigable pour la flotte. Les trois navires se mirent immédiatement en route, mais le Primauguet s’étant écarté de la ligne indiquée par le pilote, alla donner sur des rochers. Heureusement, il ne fit pas d’avarie sérieuse, et ne perdit que sa fausse quille ; on décida de le laisser à l’île Boisée. Le 23 était un dimanche, et je célébrai la messe à bord. C’était la première fois que le saint sacrifice s’offrait, en toute liberté, dans le royaume de Corée. Les deux navires prirent ensuite la route de Séoul. Au sortir du détroit de Kang-hoa se trouve l’embouchure du fleuve qui passe à une lieue au sud de la capitale. Nous devions le remonter jusqu’à une distance de six ou sept lieues. J’étais continuellement au poste, traduisant à l’amiral les indications que me donnait le pilote. Enfin, le 25, dans la soirée, on mouilla devant la capitale, à la grande stupéfaction d’un peuple immense qui couvrait les rives du fleuve et les collines environnantes, pour rassasier ses yeux de ce spectacle inouï : des vaisseaux marchant par le feu.

« Le gouvernement coréen avait tenté d’arrêter notre marche. Des jonques avaient été placées à un passage assez étroit, et elles nous tirèrent un coup de canon ; un boulet français, en réponse, coula deux des jonques, et les autres prirent la fuite. Un peu plus loin, une ou deux batteries ouvrirent le feu, mais quelques coups de canon bien dirigés, et un obus, qui éclata à quelques pas des artilleurs, réduisirent tout au silence. On resta un jour devant Séoul, exécutant des sondages, prenant des hauteurs, traçant des