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encore obligé de faire. Joseph était tombé malade de fatigue, et resté à Péking pour rétablir sa santé.

« Le 29, la petite caravane se mit en marche ; elle était composée de quatre individus, savoir : un guide qui ne savait pas le chemin, un bouvier qui remplissait les fonctions de cocher, un interprète qui n’avait que la peur pour partage, et un missionnaire sourd-muet qui ne savait trop où on le conduisait. Mon compagnon était un peu inquiet sur les suites de notre voyage. Je lui dis pour le rassurer : « J’en augure bien. C’est aujourd’hui la fête de saint Michel et de tous les bons Anges ; si les hommes refusent de nous accompagner, nous aurons les saints Anges, ce qui vaut encore mieux. »

« Le 1er octobre, nous rencontrâmes notre guide ; il consentit à nous accompagner, malgré les prières et les larmes de sa femme et de ses enfants, qui s’efforçaient de le retenir ; ils craignaient, disaient-ils, de ne plus le revoir ; il n’y avait que la plus jeune de ses filles qui l’exhortât à avoir bon courage. Du reste, il n’avait pas besoin qu’on l’aiguillonnât, il avait déjà fait ses preuves, l’année précédente ; il avait accompagné un missionnaire italien du Hou-kouang au Chang-si. Cet homme m’a paru bien propre à remplir cette fonction : plût à Dieu que mes premiers guides eussent eu sa fermeté et son expérience !

« Le 6, il fallut franchir ou plutôt passer une douane placée dans une gorge formée par deux montagnes, à l’entrée de la province du Chang-si. Jean était intimidé ; il me fit habiller de soie, plaça sur mon nez une paire de lunettes du poids d’environ six onces, et dont les verres avaient un pouce et demi de diamètre ; il me fit exécuter une espèce d’exercice, m’apprit à m’asseoir comme un mandarin, à porter mon corps et placer mes mains comme un homme d’importance, etc. J’avais l’air d’un mannequin que l’on remue à volonté. Pendant une heure et demie que dura le trajet de l’auberge à la douane, il eut toujours les yeux sur moi, pour voir si j’observais bien la consigne ; il frissonnait lorsqu’il s’apercevait que je m’en écartais. Enfin nous arrivâmes au fatal passage. Mon guide, monté à cheval et habillé en grand uniforme, faisait l’office de premier courrier. Les préposés, placés sur un rang devant la porte de leur bureau, attendaient le noble mandarin qui allait passer ; quand j’arrivai, ils me considérèrent attentivement avec des figures allongées. Après un moment de silence, ils nous firent signe de passer, sans en venir à l’examen. Nous continuâmes