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sans retard à Tien-tsin, où je rencontrai le contre-amiral Roze qui commandait la croisière française sur les côtes de Chine. Il me fit un accueil bienveillant, et me promit son assistance. »


Après le départ de M. Ridel, M. Féron alla rejoindre M. Calais et ils restèrent cachés ensemble. L’été se passa assez tranquillement. Comme on était dans une année de famine, on laissa les chrétiens à la culture de leurs champs, tout en leur faisant comprendre que ce n’était qu’une trêve, et que les poursuites recommenceraient aussitôt que possible. Quant aux missionnaires, leur tête était toujours mise à prix. Le 15 août, arriva de Péking un courrier extraordinaire, porteur d’une dépêche secrète, si sécrète que l’ambassadeur coréen, un des principaux ennemis de la religion, qui se trouvait alors en Chine, n’en avait pas eu connaissance, car l’on craignait à Péking que les chrétiens n’en fussent informés. Mais en Corée rien n’est secret : la dépêche et la réponse du gouvernement coururent tout le pays, et les missionnaires purent s’en procurer des copies. La dépêche taxait d’imprudence le meurtre des prêtres européens, et conseillait un arrangement avec la France, parce que celle-ci se préparait à porter la guerre en Corée. On ajoutait que, si la Chine n’avait pu résister aux armes françaises, à plus forte raison la Corée ne pouvait-elle espérer de se défendre. Le régent répondit que ce n’était pas la première fois qu’il faisait tuer des étrangers, que c’était son droit, et que personne n’avait rien à y voir. Les faits vinrent bientôt appuyer cette déclaration de principes. Le 2 septembre, une goëlette américaine, ayant fait côte à Pieng-an, fut brûlée, et les vingt hommes qui la montaient furent massacrés. On arrêta aussi deux jonques chinoises du Chan-tong, pour s’assurer qu’elles n’avaient pas d’Européens à bord. Il n’y en avait pas, mais on trouva des toiles de coton de fabrication européenne ; l’équipage fut égorgé. Les édits les plus sévères furent renouvelés contre les chrétiens : ordre était donné de les mettre à mort, eux et leurs parents jusqu’au sixième degré, et généralement toutes les personnes qui seraient tenues pour suspectes ; des récompenses étaient promises à ceux qui auraient rempli ces ordres.

Après la destruction des navires dont nous venons de parler, le régent, convaincu qu’il avait porté un coup terrible aux barbares d’Occident, et qu’il était délivré d’une partie de ses ennemis, allait tous les jours sur une montagne voisine de la capitale rendre grâces au ciel de ce brillant succès. Alors même, Thomas Kim Kei-ho, celui qui, en janvier, s’était le plus activement