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suivie d’une autre ; j’éprouvai une terrible démangeaison qui dura six mois, j’étais écorché de la tête aux pieds ; je crus que j’avais la gale. Je consultai plusieurs médecins chinois. Après m’avoir tâté le pouls à droite et à gauche et pendant longtemps, ils convinrent que ce n’était pas la gale. Les uns disaient que j’avais eu froid, les autres que j’avais bu trop d’eau ; cependant peu s’en était fallu que je ne fusse mort de chaleur et de soif. Un d’eux attribua la cause de mon mal au chagrin. Il peut se faire que celui-là ait bien jugé. Quoi qu’il en soit, tous me traitèrent comme un galeux, ils ordonnèrent une onction ; il fallut se soumettre. À peine cette onction eut-elle été faite, que ma tête enfla singulièrement ; je ne pus ni boire, ni manger, ni ouvrir la bouche ; le sang coulait de toutes mes gencives ; enfin, après six mois de remèdes et de patience, je fus entièrement guéri.

« Dès le jour de notre arrivée, nous prîmes des mesures pour nous remettre en marche. Comme j’étais malade, mes courriers disposèrent de tout sans me consulter, et un peu différemment que je ne l’aurais désiré. On acheta deux mules, un cheval et un chariot ; le tout coûta environ quatre cents francs. Quand il fallut payer, on n’eut pas assez d’argent ; on emprunta à un païen, à gros intérêt. L’affaire fut entamée et conclue en deux jours, sans que j’en susse rien ; ils crurent qu’il n’était pas nécessaire de me consulter. Il ne manquait plus qu’un conducteur ; le missionnaire chinois dans le district duquel nous séjournions, se chargea de nous en procurer un. Il envoya prendre, à cinq journées de là, un homme qu’il disait être le conducteur le plus capable qu’il connût dans tout le voisinage. Cet homme, consterné à une telle proposition, refusa net : « Je ne veux point, dit-il, exposer ma personne, l’évêque et tous les chrétiens à une mort certaine. » Ce message jeta la terreur dans tout le village. L’excessive timidité de mes guides avait commencé à inspirer des craintes aux chrétiens, la réponse du charretier y mit le comble.

« Le 1er septembre, mes courriers et les notables du village vinrent me trouver pour me faire part du résultat de leurs délibérations. Jean portait la parole : « Excellence, me dit-il, vous ne pouvez plus avancer ; les dangers sont grands et certains, personne ne se hasardera à vous accompagner ; il faut que Votre Excellence revienne sur ses pas, ou bien il faut qu’elle aille ou au Chang-si, ou au Hou-kouang, ou à Macao. Les chrétiens de ce bourg ne veulent plus vous garder. Voilà notre sentiment,