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la création, à Séoul même, d’un collège chrétien pour l’éducation de la jeunesse. En peu de temps, il parvint à réunir jusqu’à douze jeunes gens, auxquels il enseignait les sciences et les lettres humaines, et dont il formait le cœur et l’esprit par l’étude de la doctrine et la pratique des devoirs religieux. Cependant, sa santé allait s’affaiblissant ; plusieurs fois il avait été gravement malade, et le 19 février, quelques jours avant la persécution, il avait reçu l’extrême-onction dans la maison de Pierre Tseng, qui le logeait par charité, car Mathieu n’avait pas de maison à lui.

Quand les satellites vinrent chercher Pierre, le pauvre malade ne cessait de crier du coin où il était étendu : « Et moi aussi, je suis chrétien, prenez-moi. — Que dit ce pauvre idiot ? » répondaient les satellites ; « dans son délire il se débat avec les gens de sa secte. Pourquoi t’emmener ? Afin d’avoir la peine de t’enterrer ? » Les deux jours suivants, il se traîna plusieurs fois jusqu’au seuil de la porte, répétant d’une voix plaintive : « Emmenez-moi, je suis chrétien. » Mais personne n’était plus là pour s’occuper de lui et lui donner un peu de nourriture ; ses forces, épuisées par la maladie et par la faim, l’abandonnèrent tout à fait, et le matin du premier mars il rendit à Dieu sa belle âme. Il était âgé de quarante-quatre ans, et il y avait un peu plus de quatre ans qu’il était baptisé. Le lendemain de sa mort, un païen qui passait dans la rue vit son cadavre, et par pitié, l’emporta et l’ensevelit sur la montagne Ouai-a-ko-kaï, dans le lieu où furent transportés plus tard les corps de Mgr Berneux et des autres martyrs de Sai-nam-to.


Le jour même de l’exécution de Mgr Berneux et de ses compagnons, deux autres missionnaires étaient amenés à la capitale. C’étaient MM. Pourthié et Petitnicolas arrêtés ensemble au séminaire de Pai-rong. Dès le 28 février, un courrier leur avait apporté le billet de M. de Bretenières qui annonçait l’arrestation de l’évêque, et, par ses récits, avait répandu la terreur chez les chrétiens du voisinage. Les missionnaires extrêmement surpris, ne pouvant croire tout d’abord à une persécution aussi soudaine, résolurent d’attendre avant de quitter leur poste. M. Pourthié rassura les néophytes, et leur dit de ne pas se presser d’enfouir en terre les divers objets de religion. La neige épaisse qui couvrait la vallée de Pai-rong et les montagnes environnantes semblait une garantie contre l’invasion subite des satellites. D’ailleurs M. Pourthié, depuis longtemps atteint d’une maladie de poitrine