Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/546

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

examens, et par ce moyen, il s’était acquis une petite fortune. L’ambition le fit aller à la capitale, à la ville des délices comme l’appellent les Coréens ; mais ses espérances furent déçues, et après avoir mangé tout son bien, il se trouva, en quelques mois, réduit à l’indigence. C’est là que Dieu l’attendait. Pendant qu’il essayait de tous les moyens et frappait à toutes les portes pour trouver un emploi, il entendit parler de l’Évangile, et quelques livres de religion lui tombèrent sous la main ; son âme naturellement droite entrevit de suite la vérité ; il l’étudia avec ardeur, et fut bientôt récompensé de ses efforts par le don de la foi. Aussitôt, semblable à celui qui a trouvé un trésor et, dans l’excès de sa joie, court à ses amis et à ses voisins en criant : « Réjouissez-vous avec moi, » Mathieu Ni, avant même d’être baptisé, repartit pour son pays, à une cinquantaine de lieues de la capitale, vivant d’aumônes le long de la route, et se mit à prêcher ses parents et ses connaissances. Il en convertit une douzaine, leur enseigna les prières et le catéchisme, et revint avec eux à Séoul, recevoir le baptême des mains de Mgr Berneux.

Le jour de son baptême, il se traça une règle de vie excessivement sévère et dont, depuis, il ne se départit jamais. Il faisait le chemin de la croix tous les jours, sans exception ; il jeûnait deux fois la semaine, et le carême tout entier, ne mangeait jamais de viande, ne buvait du vin que très-rarement et en très-petite quantité, et pratiquait les plus pénibles mortifications. Il avait compris que la pénitence est le véritable moyen, non-seulement d’assurer son propre salut, mais de travailler efficacement au salut des autres. À la capitale, pendant les quelques semaines qui suivirent son baptême, ce zélé néophyte convertit plus de dix païens auxquels il donna l’instruction nécessaire. De retour dans son pays, il procura à une quarantaine d’autres personnes la grâce de la régénération ; puis, en compagnie de François Ni, il se mit à parcourir toute la province de Hoang-haï, et gagna des disciples à Jésus-Christ, dans plus de douze districts où, auparavant, il n’y avait pas un seul chrétien. De là, il partit seul pour la province de Pieng-an, l’unique des huit provinces de Corée où l’Évangile n’eût pas encore pénétré, et le premier il eut le bonheur d’y créer un certain nombre de prosélytes. Nous avons dit plus haut quelle abondante moisson recueillit Mgr Berneux, lorsque, les trois années suivantes, il visita ces provinces où Mathieu avait semé le bon grain avec tant de zèle.

Rappelé ensuite à la capitale par le vicaire apostolique, Mathieu Ni fut chargé d’une œuvre aussi importante que difficile,