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travailler. Mais, de grâce, ne vous en tenez pas là. Envoyez-nous le plus de renforts que vous pourrez. Pour nous mettre un peu à l’aise, il faudrait que d’ici à deux ans nous reçussions dix nouveaux confrères, et nous serons tous très-occupés… Depuis trois mois et demi je suis pris d’une fièvre quotidienne dont je commence à peine à me débarrasser, je suis sans intelligence et sans énergie. Je m’arrête à bout de forces… »

Cette lettre, la dernière que le saint évêque ait écrite en Europe, donne le résultat de l’administration des sacrements pendant l’année. En voici les chiffres les plus saillants : confessions annuelles, quatorze mille quatre cent trente-trois ; confessions répétées, trois mille quatre cent quatre-vingt-treize ; adultes baptisés, neuf cent sept ; enfants de païens ondoyés, mille cent seize, dont morts, neuf cent quatre-vingt-trois.

Puis, vient le post-scriptum suivant : « J’ai eu tout dernièrement avec le prince régent, par le moyen d’un mandarin, quelques rapports au sujet de la nouvelle instance que font les Russes pour obtenir la permission de s’établir sur le territoire coréen. Le prince a reçu avec bienveillance mes communications. Sa femme, mère du roi, m’a fait prier secrètement d’écrire à notre ministre, à Péking, de venir demander la liberté religieuse. Les grands de la capitale désirent l’arrivée des navires français. Pour moi, je persiste à ne rien faire avant d’avoir conféré avec le régent. Quoique toujours proscrits, notre position est bonne, et je crois que, l’an prochain, nous serons encore plus à l’aise. »

Ces espérances devaient être bientôt cruellement déçues. Du reste, les confrères de Mgr Berneux étaient loin d’être aussi rassurés que lui. « Le père du jeune roi, » écrivait, à la même époque, Mgr Daveluy, « ne s’est occupé jusqu’ici ni de nous ni de nos chrétiens ; mais combien cela durera-t-il ? Il est d’un caractère violent, cruel, méprisant le peuple et comptant pour rien la vie des hommes ; si jamais il attaque la religion, il le fera d’une manière terrible… Cet hiver sera dur à passer. La sécheresse d’abord, puis les inondations, puis, à l’automne, d’effroyables coups de vent, ont ruiné les moissons et causé la disette. Déjà, beaucoup de pauvres gens souffrent de la faim. Or, l’expérience prouve que les temps de famine sont des temps de vexations et de persécutions pour nos chrétiens. Ils sont toujours hors la loi, et par conséquent offrent une proie facile à tous les maraudeurs, et aux pillards qui encombrent les maisons des mandarins. Priez beaucoup pour nous… »