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au gouvernement suprême ; Mgr Berneux eut beaucoup de peine à empêcher cette démarche imprudente. Il obtint secrètement pour eux, d’un homme très-haut placé, une lettre de recommandation, et on les laissa tranquilles.

Au milieu de ses occupations continuelles, Mgr Berneux ne perdait point de vue la formation d’un clergé indigène. Il se sentait épuisé de fatigue ; plusieurs infirmités cruelles, entre autres la gravelle, le rendaient souvent incapable de dire la sainte messe. Son coadjuteur et tous ses missionnaires, constamment malades, ne pouvaient suffire aux travaux du saint ministère ; et la nécessité de se créer, dans le pays même, des auxiliaires semblables au vénérable André Kim, ou au P. Thomas T’soi, était plus évidente que jamais. Mais, comme le savent tous les missionnaires qui y ont mis la main, cette œuvre, la plus nécessaire et la plus féconde de toutes, est en même temps la plus lente et la plus difficile. « Notre séminaire, » écrivait le prélat, en février 1865, « notre séminaire me donne bien du souci ; tous ces enfants y perdent la santé et sont obligés tôt ou tard d’abandonner leurs études. J’ai, depuis deux ans, cherché avec Mgr d’Acônes (Mgr Daveluy) à former un second établissement ; impossible de trouver un lieu tant soit peu sûr. J’ai donné la tonsure à l’élève de Pinang revenu il y a quatre ans, et les ordres mineurs à Vincent Nim, l’un des deux qui sont rentrés avec M. Aumaître ; l’autre a défroqué. Mais ces jeunes gens sont faibles et maladifs ; je doute qu’ils vivent assez longtemps pour recevoir la prêtrise. Dans tous les cas, avec une santé pareille, nous n’avons pas grand’chose à attendre de leur ministère. C’est désolant, car des prêtres indigènes nous seraient infiniment utiles. Que n’ai-je dix P. Thomas ! »

Ces quelques lignes se complètent et s’expliquent par ce qu’écrivait, à peu près à la même époque, M. Pourthié, qui depuis son arrivée en mission avait la charge du séminaire. « Je suis encore un des plus robustes, et cependant je ne le suis guère (il crachait le sang depuis plus d’un an) ; huit ans de réclusion dans ma prison, c’est-à-dire dans la cabane qui me sert de collège, m’ont miné tout à fait. Mes élèves aussi sont tous plus ou moins malades, et il n’en peut être autrement. Toujours enfermés, n’osant pas même lire à haute voix, de peur que quelque païen passant près de la maison ne nous entende, nous n’avons que deux chambres pour eux et moi. Ces deux chambres sont séparées par une cloison qui ferme aussi mal que possible, de sorte que l’air et les émanations pénètrent sans difficulté de l’une