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fait. La famille Kim a toujours eu l’autorité en main, elle a disposé de tout comme elle a voulu ; le roi a signé les décrets qu’on lui a présentés, souvent même sans le savoir, car il est constamment ivre. Chaque jour, il avale une grosse cruche de vin de riz ; des centaines de femmes sont là, pour l’occuper le reste du temps. On prétend que lorsqu’un jeune roi de Corée montre de la fierté, de la fermeté et de l’indépendance de caractère, les grands lui font secrètement boire une potion qui le rend imbécile et inhabile à toutes les affaires. Je ne sais pas si cet on-dit général est vrai, mais je crois qu’une telle précaution est inutile, car ne pouvoir passer sa vie qu’au fond d’un harem, n’avoir d’autres occupations que de manger, boire, dormir, et se vautrer dans une perpétuelle débauche, me semblent des moyens plus que suffisants pour abrutir rapidement l’homme le mieux doué des facultés du corps et de l’esprit.

« Quoi qu’il en soit, tous les Coréens savent que le jeune roi est maintenant sur le bord de la tombe. Il y a quelques semaines, un grand nombre de lettrés étaient réunis à la capitale pour la session d’examens du baccalauréat ; les bruits les plus étranges couraient parmi eux, on allait jusqu’à dire que le roi était mort, quelques-uns même ajoutaient : depuis longtemps. Pour faire cesser ces rumeurs, la cour voulut que le roi se produisît devant les lettrés selon l’usage. Le palanquin royal vint donc s’arrêter à l’extrémité de la vaste enceinte où ils étaient rassemblés, mais personne ne sortait de ce palanquin, et l’on commençait à crier que les ministres voulaient tromper le peuple, et qu’ils avaient envoyé un palanquin vide. Enfin, après bien du temps et des efforts, on produisit à la vue de tous les spectateurs ce pauvre prince démesurément enflé et ne pouvant remuer aucun de ses membres. Les lettrés se dispersèrent dans toutes les directions, en criant : Deuil du royaume ! Deuil du royaume ! Ces cris ont beaucoup fâché les ministres, parce qu’on semblait annoncer la mort du roi lorsqu’il était encore vivant. Quelques jours après, pour la consolation du malade, tous les grands lui ont fastueusement décerné les titres suivants : illuminateur des relations sociales, administrateur intègre, prince d’une vertu parfaite, sage d’une sainteté consommée. Pauvres gens i En attendant, comme le roi a vu mourir jeunes tous ses enfants, légitimes ou naturels, et qu’il n’a pas d’héritier direct, les intrigues vont leur train. On pense que la famille Kim, aujourd’hui toute-puissante, lui fera adopter un de ses parents, enfant de treize ans, lequel épouserait une fille du ministre Kim Piong-kouk-i. »