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condamné à avaler une potion empoisonnée. Le principal de ses complices, Kim Ie-saing-i, cet odieux apostat qui, en 1839, a trahi et livré aux satellites Mgr Imbert, ses deux missionnaires, et un grand nombre de chrétiens, a été décapité. Son corps, coupé en six morceaux et salé pour empêcher la corruption, a été promené dans tout le royaume, afin d’inspirer de l’horreur contre les rebelles. Plusieurs chrétiens ont vu ce cadavre voiture de village en village, et l’on criait devant lui les trois chefs d’accusation : « Il a trahi son maître spirituel (Mgr Imbert), il s’est révolté contre le roi, il a été impie jusqu’à lever la main sur son père. »

Pendant ce temps, que devenaient les chrétiens et les missionnaires ? Mgr Berneux, dans son compte rendu d’administration pour 1862, raconte, comme il suit, leurs travaux et leurs souffrances.

« Cette année-ci s’est passée péniblement. Quoique le gouvernement semble prendre à tâche de ne pas s’occuper de nous et de nos chrétiens, nous ne laissons pas d’avoir à souffrir beaucoup. Le sang ne coule pas sous la hache du bourreau ; mais on réduit nos néophytes à mourir de misère. La haine des païens contre le nom chrétien, et la cupidité des satellites nous ont poursuivis, dans ces derniers temps, avec un acharnement satanique. La province de Kieng-sang, cette belle province où nous comptions un millier de catéchumènes, où l’Évangile se répandait si rapidement et avec tant de succès, est bouleversée de fond en comble. Le peuple s’est ameuté contre les chrétiens, et a adressé aux mandarins des pétitions tendant à les faire chasser hors de leur territoire. Ces démarches, inspirées par l’enfer, ont presque partout été accueillies favorablement, et aujourd’hui, nos pauvres chrétiens ne sachant où se fixer, errent de côté et d’autre, sans ressources, sans moyens de subsistance. Dans une pareille extrémité, ne pouvant ni recevoir les sacrements, ni même se rencontrer entre eux pour se consoler et s’affermir mutuellement, le découragement s’empare des esprits ; ils perdent le goût de s’instruire, tombent dans le relâchement, pratiquent mal ou négligent tout à fait leurs devoirs, et ne s’occupent plus guère de l’évangélisation des païens. Voici quelques lignes du rapport que m’a adressé Mgr Daveluy, mon vénéré coadjuteur, à qui, depuis la mort du P. Thomas T’soi, j’ai confié l’administration de ce district aussi important que difficile. Vous pourrez, en les lisant, vous faire une idée des obstacles que l’œuvre de Dieu rencontre dans ce pays.