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n’osant pénétrer dans ce district pour prendre leur place, le peuple s’est constitué en république pendant deux ou trois mois.

« Le mandarin voisin était le digne émule de celui dont nous venons de parler. Après avoir, pendant des années, sucé le sang du peuple, et épuisé toutes les ressources de son district, il imagina un nouveau et ingénieux moyen de battre monnaie. Les veuves forment dans ce pays une classe assez nombreuse, parce que, surtout chez les nobles, la femme ne convole pas à de secondes noces ; leur condition est réputée misérable, digne de pitié et de protection. Notre mandarin ayant un jour lancé un décret qui invitait toutes les veuves à se rendre à la préfecture, celles-ci pensèrent que le magistrat, par pitié, voulait faire quelque chose pour améliorer leur état, et se rendirent toutes à son appel. Lorsque celui-ci les vit rassemblées, il écrivit le nom et le lieu d’habitation de chacune d’elles, et leur tint à peu près ce discours : « Si vous étiez remariées, vous contribueriez de concert avec vos maris à payer les impôts, et par conséquent vous serviriez le gouvernement. Maintenant au contraire, étant seules chez vos parents, vous êtes inutiles à l’État, et vous ne concourez en rien à la prospérité publique. Afin de vous rendre de dignes sujets du roi, j’ai pensé que je devais vous soumettre à un impôt particulier. Ainsi, dès ce jour, vous payerez au mandarin deux pièces de toile, l’une au printemps, l’autre à l’automne » (ces pièces de toile ont plus de quarante pieds de long.) « L’assemblée féminine ébahie et interdite, fit entendre quelques chuchotements de surprise, mais personne ne se pressait de répondre : « Nous payerons. » Alors le mandarin continua : « Que celles qui promettent de payer l’impôt passent d’un côté ; et celles qui refusent de payer du côté opposé. » Elles obéirent, mais presque toutes se rangèrent du côté des récalcitrantes. Le mandarin renvoya les premières à leurs maisons, et ordonna d’incarcérer les autres. Mais une veuve en prison est une femme mise dans un lieu de prostitution publiquement connu comme tel. Les parents des veuves emprisonnées, pour ne pas se déshonorer, n’hésitèrent pas à faire un sacrifice, et, pour les délivrer, apportèrent au mandarin les pièces de toile demandées.

« Ces veuves, ainsi mises en liberté, résolurent de se venger d’une façon cruelle, mais qui vous fera bien connaître les mœurs du pays. La mère du mandarin était descendue depuis peu de la capitale pour voir son fils dans son district. Un jour donc, les veuves réunies en grande troupe entrent au prétoire, demandant à haute voix l’honneur de parler à l’illustre dame, et disant que