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tombé entre leurs mains. N’ayant plus de demeure fixe, j’avais caché la principale partie de mes effets chez un chrétien, qui, demeurant dans un village païen, pouvait se flatter de ne pas être inquiété même en temps de persécution. Or, il fut dénoncé par un traître, et les satellites allèrent pour le saisir. Il se trouvait absent ; on prit tout ce qu’il avait, et on vola deux cents francs que j’avais déposés chez lui. Sa mère, par reproches et par menaces, empêcha momentanément les satellites d’entrer dans l’appartement des femmes où étaient mes malles, et pendant que ceux-ci couraient à la piste du maître de la maison, l’arrêtaient et le chargeaient de fers, arriva par hasard un chrétien éloigné, qui parvint à enlever immédiatement les malles, et à les transporter ailleurs. Quand les satellites revinrent, ils firent main basse sur tout ce qui restait. Quelle providence veilla alors sur mon bagage, qui eût été pris sans ce concours de circonstances, et dont la capture eût causé une perte irréparable ? Car là se trouvaient réunis, outre mes ornements sacerdotaux, tous les originaux chinois et coréens de l’histoire des martyrs, tous mes travaux sur la langue, et une foule d’autres papiers. Quelques jours plus tard, je gagnai la capitale, suivant, à la distance de quelques lys, les satellites qui venaient de visiter inutilement mon district. J’eus à coucher dans une auberge, et le matin, malgré mes compagnons qui me priaient de ne me mettre en route qu’après le déjeuner, je m’obstinai, sans trop savoir pourquoi, à partir avant le jour. Une heure après mon départ, les satellites, mal reçus du mandarin à cause de leur insuccès, revenaient sur leurs pas et s’installaient dans cette même auberge, où ils passèrent toute la journée. Conclusion : ce que Dieu garde est bien gardé, et pas un cheveu ne tombe de notre tête sans sa permission. »

La persécution terminée, les missionnaires se remirent à l’œuvre pour réparer les maux qu’elle avait causés. C’était chose difficile ; ils étaient tous épuisés de fatigue, et l’éveil donné aux passions hostiles ne leur permettait pas de visiter les districts qui avaient le plus souffert. Au choléra avait succédé la famine, et par une suite naturelle, des bandes de brigands ravageaient les provinces. De plus, les deux nouveaux confrères, attendus depuis si longtemps, avaient encore manqué cette année au rendez-vous, quoiqu’une barque coréenne les eût attendus plus de quinze jours, et on était d’autant plus inquiet sur leur sort, que le printemps avait été très-orageux, et qu’une foule de navires chinois, jetés à la côte, avaient perdu la plus grande partie de leurs équipages.