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les bras ceux d’un âge plus tendre ; des vieillards, les pieds gelés, tombaient pour ne plus se relever. Des centaines de familles moururent de faim et de froid pendant ces terribles jours.

Cependant Mgr Berneux avait appris que l’affaire était suscitée, non point par le gouvernement, mais par un fonctionnaire isolé. Il résolut donc, malgré le danger imminent, de gagner la capitale pour sauver, s’il en était encore temps, quelques-uns des objets les plus précieux de la mission. Son arrivée ne pouvait être plus opportune. Les gardiens de la maison épiscopale avaient perdu la tête ; ils n’attendaient qu’une occasion de s’enfuir en abandonnant tout ce qui leur avait été confié. La présence de l’évêque parmi eux les retint un peu ; néanmoins le maître de la maison et sa femme disparurent peu de jours après, et cherchèrent un abri loin de la capitale. Grâce à cette détermination audacieuse de Mgr Berneux qui demeura à son poste tant que dura le danger, la mission fut sauvée. Si cette maison eût été envahie, la présence des papiers, des ornements sacrés, et d’autres objets européens eût prouvé si clairement l’existence des missionnaires français dans le pays, qu’il eût été impossible au gouvernement de fermer les yeux.

Le préfet de police s’était imaginé que la nation entière, roi, ministres, nobles et peuple, accueilleraient avec transport ses rigueurs contre les chrétiens. Il se trompait, et quand il parla de faire juger ses prisonniers, personne ne voulut s’en charger. On assure que dans le conseil qui se tint alors au palais sur cette affaire, Kim Piong-kei-i, vieillard qui avait souvent rempli avec honneur les plus hautes charges de l’État, donna son avis en ces termes : « Il n’est pas bon de persécuter cette religion. Le roi Tsieng-tsong a commencé à poursuivre les chrétiens ; il est mort encore jeune. Son successeur Soun-tsong a suivi la même voie ; il a vu mourir sous ses yeux son fils unique, l’héritier de son trône, et il est mort lui-même à la fleur de l’âge. Le roi Han-tsong a permis lui aussi de tueries chrétiens, et lui aussi est mort jeune et sans héritier. Non, il n’est pas bon de persécuter cette religion. » Quoi qu’il en soit, la cour parut peu satisfaite de ce qui s’était passé, et les ministres, sans oser infliger un blâme officiel au préfet de police, lui firent demander si lui, magistrat, ignorait que la loi portée par la défunte reine mère défend aucun pillage, aucune confiscation, avant que les coupables soient jugés et exécutés. Finalement, on lui signifia que les tribunaux supérieurs ne s’occuperaient point de ses prisonniers. D’un autre côté, les excès des satellites étaient allés si loin, que