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sions. Puis, le fléau gagnant la province, il se hâta de partir, au commencement de novembre, pour visiter plus de deux mille autres chrétiens dispersés dans les montagnes, et qui rappelaient à grands cris. Les missionnaires de leur côté, chacun dans son district, durent se multiplier, car la plus grande partie du royaume fut ravagée par l’épidémie, qui, d’après les rapports officiels, fit plus de quatre cent mille victimes. Un grand nombre d’âmes durent leur salut à cette terrible épreuve que Dieu leur envoyait dans sa miséricorde. Beaucoup de chrétiens faibles que la crainte du bourreau, la perspective de la prison ou de l’exil tenaient éloignés depuis de longues années, sentirent leur foi se réveiller, et accoururent au tribunal de la réconciliation.

Comme toujours, des conversions extraordinaires, des interventions visibles de la grâce divine, venaient ranimer et exciter le courage des missionnaires. Nous ne citerons qu’un fait, raconté par M. Féron dans le compte rendu de son administration à cette époque, et qui montre comment la Providence sait conserver et amener au salut les âmes simples et fidèles.

« Dans une petite cabane, presque au sommet d’une de nos plus hautes montagnes, on me présente une vieille catéchumène qui, en assistant au catéchisme, se met à fondre en larmes. Elle désespère d’arriver jamais à acquérir la somme d’instruction exigée, et pourtant elle a tant fait pour obtenir le baptême ! Son grand-père était l’un des plus anciens chrétiens de la mission, et, dans le pays, on se souvient encore de sa ferveur. Mais à la persécution de 1801, le fils de ce brave néophyte, effrayé par la perspective des tortures et de la mort, abandonna la pratique du christianisme, à laquelle il ne revint que peu avant sa mort. La petite fille n’avait reçu aucune instruction : jamais elle n’avait entendu prononcer le nom de Dieu. Seulement elle avait remarqué que, chez son père, on ne faisait pas de superstitions, et souvent elle avait surpris dans la bouche de ses parents l’exclamation : Jésus ! Maria ! si familière à nos chrétiens. Elle en conclut qu’il fallait s’abstenir de toutes les cérémonies païennes, invoquer Jésus-Maria ; et, pendant quarante-quatre ans, sa vie a été une lutte continuelle contre son mari, son beau-père, sa belle-mère, son beau-frère, qui voulaient la contraindre à participer aux superstitions habituelles. Dieu sait ce qu’elle a eu à souffrir, ne répondant aux mauvais traitements des siens que par la douceur et un redoublement de prévenances à leur égard ; mais enfin elle a tenu bon, et n’a pas cédé une seule fois. Sa délicatesse sur ce point était extrême. Sachant que le nom de l’année de la