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quand nos confrères y firent l’administration en 1837 et 1838, le peu de chrétiens qui se trouvaient là, trop éloignés des autres pour jouir facilement des secours religieux, émigrèrent pour se rapprocher de la masse des fidèles. En 1839, la persécution ne faisant grâce nulle part, tout fut dispersé ; ne sachant alors où planter sa tente, une de ces familles chrétiennes retourna au pays natal et y trouva le calme. Fidèle à ses devoirs, et pleine de la ferveur que les sacrements lui avaient conférée, elle ne cacha pas sa religion ; d’ailleurs on avait bien deviné le motif de son émigration. Elle parla de Dieu aux parents, puis aux amis, et un nouveau groupe se forma presque aussitôt. Les rapports avec d’autres chrétiens ne pouvaient avoir lieu que de loin en loin ; mais Dieu seul ne suffit-il pas à celui qui le cherche d’un cœur droit ? Chaque jour le petit troupeau croissait en nombre et en ferveur ; et quand nous y arrivâmes en 1845, il y avait déjà environ cent cinquante catéchumènes, sans compter beaucoup d’autres qui avaient émigré pour se rapprocher des centres chrétiens. Huit et dix jours de marche n’effrayèrent pas ces fervents néophytes. N’ayant pu me rendre dans leurs montagnes, j’en vis arriver vingt ou trente dans Phi ver de 1846, et parmi eux quelques femmes. Les impressions que j’éprouvai à la vue de ces frères, venus comme d’un autre monde, étaient plus fortes encore dans leurs âmes attendries. Ces braves gens, d’une simplicité admirable qui est, ce me semble, le caractère propre de cette contrée lointaine, joignent à cette heureuse disposition une foi profonde et une grande fermeté. Ils ne voyaient en moi que l’envoyé de Dieu, et des pleurs continuels témoignaient de leur bonheur : aurais-je pu rester les yeux secs ? Je promis de faire tous mes efforts pour aller bientôt les visiter, et de retour chez eux, l’ardeur de leur prosélytisme, doublée par la grâce des sacrements, échauffa leurs voisins et augmenta le nombre des catéchumènes.

« En 1847, je partis pour ce pays ; mais j’en étais encore bien loin, quand un accident impossible à réparer m’empêcha de continuer mon voyage. Même tentative en 1848, et cette fois encore obstacles insurmontables. Ces pauvres délaissés, en voyant leurs courriers revenir seuls, se réunirent à l’oratoire, et tournés vers l’autel que surmontait un crucifix, poussèrent de longs gémissements. Ce ne fut qu’au commencement de 1850 qu’ils purent enfin recevoir chez eux le P. Thomas T’soi. Qui pourrait décrire le spectacle touchant qu’il eut sous les yeux pendant le peu de jours qu’il put leur accorder ?