Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/436

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

famille et la chassa du pays. Je ne sais comment, dans la suite, les chrétiennes de ce lieu pourront être visitées par le missionnaire. Il n’y a pas une maison dont on puisse faire un lieu de réunion, car ce qui reste de néophytes sont des femmes qui honorent Dieu en secret, et, d’un autre côté, elles ne peuvent sortir de la ville. Que le Seigneur daigne jeter un regard de miséricorde sur ces infortunées et tienne compte de leur bonne volonté !

« Dans une autre chrétienté, éloignée de toutes les autres de plus de trois jours de marche, j’ai rencontré cinq pauvres familles. Elles s’y étaient fixées depuis peu de temps, parce que, dans le lieu qu’elles habitaient auparavant, elles ne pouvaient vaquer à la pratique de la religion chrétienne. Leur village est situé au sommet d’une montagne horrible appelée Man-san. C’est là que je m’installai pour faire la visite et administrer les sacrements. Or, à cent dix lys (onze lieues) plus loin, se trouve un autre village chrétien où venaient d’arriver quelques pauvres familles qui, n’ayant pas encore eu le temps de se construire des demeures ni par conséquent un oratoire, étaient toutes obligées de venir à Man-san pour y recevoir les sacrements. Les vingt personnes environ qui les composaient se divisèrent en deux bandes, et, pendant que l’une se rendait à Man-san, l’autre demeura pour garder les bestiaux et le petit mobilier. Quand les premiers eurent reçu les sacrements, ils s’en retournèrent, et la seconde bande se mit en route à son tour. Elle était formée de deux hommes, d’une jeune fille de seize ans, de deux enfants, l’une de treize ans, l’autre de onze, et enfin d’un petit garçon de neuf ans. Cette petite troupe pacifique avait cent dix lys à faire en un seul jour. Partie de grand matin, elle avait déjà parcouru plus de la moitié de la route, quand, arrivée à un certain village, elle fut assaillie par une vingtaine d’hommes de l’endroit, qui, armés de bâtons, ne rougirent pas de se précipiter sur les pauvres voyageurs. Mais, pendant le conflit, un vieillard vénérable sortit du village, reprocha à ces furieux leur impudence et délivra nos malheureux captifs. Ces vaillants chrétiens, quoique épuisés par la fatigue, la faim et la secousse de cette attaque inopinée, continuèrent leur marche et, sur le soir, arrivèrent tout triomphants à l’oratoire. Le Père conçoit avec quels transports de joie et quels sentiments de commisération nous les reçûmes, les chrétiens du village et moi, et avec quel empressement nous allâmes ensemble rendre à Dieu les plus vives actions de grâces.

« J’arrivai deux jours plus tard dans un autre village où