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Si chaque jour, outre les exercices religieux qui sont les mêmes qu’à la capitale, il faut faire à pied, pour passer d’un village à un autre, quatre ou cinq lieues à travers les montagnes ; s’il faut quelquefois voyager par la pluie ou la neige avec ses bas de toile et ses sandales de paille, qui prennent l’eau comme une éponge, on respire plus ou moins le grand air, et le sommeil est suffisant. Après avoir ainsi travaillé pendant huit mois, chacun de nous, bien harassé, mais bien comblé des bénédictions que le Seigneur a daigné répandre sur son ministère, rentre à son gîte pour y passer dans le repos, la retraite et l’étude, les quatre mois d’été, pendant lesquels il n’est pas possible de faire mission. »

Un des confrères de Mgr Berneux complétait la lettre du saint prélat par les lignes suivantes : « Quoique sa lettre soit assez longue, je réponds qu’il ne vous dit pas tout. Il ne vous dit point, par exemple, que, souffrant continuellement de la gravelle, et vivant de quelques feuilles de navets et d’un peu de riz, il se permet parfois vingt-deux heures de travail par jour, et qu’il regarde quatre heures de sommeil dans ses plus longues nuits, comme une grande immortification. En vain tous les confrères se récrient, il ferme la bouche à tout le monde avec ce seul mot : « Que feriez-vous à ma place ? »

Ce qui, par-dessus tout, encourageait Mgr Berneux à ces efforts surhumains, c’était la fréquence des conversions extraordinaires, et l’action visible de la grâce de Dieu sur les néophytes. Il en raconte lui-même de touchants exemples dans une de ses premières lettres.

« Un vieillard presque octogénaire entend parler de la religion chrétienne : un de nos livres lui tombe entre les mains, il le lit, et cette lecture le convainc de la vérité du christianisme. Il occupait une charge importante, mais cette dignité étant incompatible avec les devoirs imposés aux chrétiens, il s’en démet et rentre dans la vie privée. Au sein même de sa famille, les relations qu’il faudra entretenir avec ses amis l’exposeront à offenser Dieu qu’il a résolu de servir. Pour s’y soustraire, il feint d’être en démence, ne se lave plus, ne parle plus à personne, etc. Voilà plusieurs années qu’il joue ce rôle et remplit les devoirs d’un fervent catholique, sans avoir pu encore recevoir le baptême. Ses fils, qui soupçonnent ses intentions et redoutent la perte de leurs emplois et l’opprobre attaché au nom chrétien, ne permettent à aucun étranger d’approcher de lui, en sorte que nul missionnaire n’a pu le voir. Je viens d’envoyer un catéchiste qui parviendra, je l’espère, à le