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à peine assez haute pour que je puisse m’y tenir debout se convertit en chapelle, dont un crucifix et une image de la sainte Vierge forment tout l’ornement. L’examen du catéchisme, auquel tous sont soumis, le vieillard octogénaire comme l’enfant de dix ans, une instruction sur les dispositions qu’il faut apporter à la réception des sacrements, puis trente ou quarante confessions, avec les extrêmes-onctions et les baptêmes, m’occupent toute la journée et une partie de la nuit. Le lendemain, le lever à une heure ; à deux heures, la messe où se fait la communion, enfin, une instruction sur la nécessité et les moyens de persévérance, après laquelle je passe, avant le jour, dans une autre maison, où d’autres chrétiens m’attendent, et où se répètent les exercices de la veille. Voilà les occupations du missionnaire à la capitale pendant quarante jours : c’est à en perdre la tête de fatigue. Plus d’une fois, il m’est arrivé de tomber de sommeil au milieu de ma chambre, et de me réveiller, le matin, un bas dans une main, et l’autre encore au pied.

« Si cette époque est le temps du travail, c’est aussi celui des consolations ; c’est alors que nous voyons toute la vivacité de la foi des néophytes. Souvent il arrive que des enfants et des femmes aient reçu le baptême et en pratiquent les devoirs, à l’insu de leurs parents ou maris païens. Quelque difficulté qu’ils rencontrent à se rendre auprès du missionnaire, il est rare qu’ils ne la surmontent pas. La femme noble elle-même, cette créature si timide en toute autre circonstance, et qui jamais n’a franchi le seuil de sa demeure, sait trouver du courage quand il s’agit de recevoir les sacrements. Déguisée en femme du peuple, elle choisit le moment où sa famille est endormie pour s’échapper et venir au milieu de la nuit, dans la maison où se réunissent les chrétiens. Elle se confesse avant la messe, assiste au saint sacrifice, et, après avoir reçu la divine eucharistie, elle rentre chez elle comme elle est sortie, pendant que tout dort encore, bénissant Dieu des grâces qu’elle vient de recevoir, le bénissant aussi du succès de sa périlleuse expédition. Malheur à elle, si son mari s’apercevait de cette absence nocturne ! N’en comprenant pas le motif pieux, il se vengerait par le poison d’une telle témérité.

« Outre la capitale, je me suis encore réservé l’administration de soixante villages. Dans les montagnes au milieu desquelles ils se trouvent, la mission offre moins de difficultés pour les chrétiens, et pour le missionnaire moins de fatigues. Comme ils sont entièrement séparés des païens, ces précautions si gênantes de la ville ne sont plus nécessaires ; on y est presque en liberté.